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Nik Marcel (2Language Books)

Sunday, 21 October 2018

Nature Stories (French)


Nature Stories
Histoires naturelles
(French)
Author: Jules Renard 1909
Translator/Editor: Nik Marcel 2018
Updated French.
Copyright © 2018 Nik Marcel
All rights reserved.
A Bilingual (Dual-Language) Project
2Language Books

Nature Stories: French
(Histoires naturelles)
Chapitre 1
Le Chasseur d’Images; la Poule; Coqs; Canards; Dindes; la Pintade; l’Oie; les Pigeons; les Deux Pigeons; le Paon; le Cygne.
LE CHASSEUR D’IMAGES
Il saute du lit de bon matin, et ne part que si son esprit est net, son cœur pur, et son corps léger comme un vêtement d’été.
Il n’emporte pas de provisions. Il boira l’air frais en route, et reniflera les odeurs salubres.
Il laisse ses armes à la maison, et se contente d’ouvrir les yeux. Les yeux servent de filets où les images s’emprisonnent d’elles-mêmes.
La première qu’il fait captive est celle du chemin qui montre ses os, ses cailloux polis, et ses ornières, veines crevées, entre deux haies riches de prunelles et de mûres.
Il prend ensuite l’image de la rivière. Elle blanchit aux coudes, et dort sous la caresse des saules. Elle miroite quand un poisson tourne le ventre, comme si on jetait une pièce d’argent; et, dès que tombe une pluie fine, la rivière a la chair de poule.
Il capture l’image des blés mobiles, des luzernes appétissantes et des prairies ourlées de ruisseaux. Il saisit au passage le vol d’une alouette ou d’un chardonneret.
Puis il entre au bois. Il ne se savait pas doué de sens si délicats.
Vite imprégné de parfums, il ne perd aucune sourde rumeur; et, pour qu’il communique avec les arbres, ses nerfs se lient aux nervures des feuilles.
Bientôt, vibrant jusqu’au malaise, il perçoit trop, il s’échauffe, il a peur; il quitte le bois et suit de loin les bûcherons regagnant le village.
Il fixe un moment — au point que son œil éclate — le soleil qui se couche et jette sur l’horizon ses lumineux habits, ses nuages répandus pêle-mêle.
Enfin, étant rentré chez lui, la tête pleine, il éteint sa lampe et longuement, avant de s’endormir, il se plaît à compter ses images.
Dociles, elles sont récupérées de la mémoire. Chacune d’elles en éveille une autre, et sans cesse leur troupe phosphorescente s’accroît de nouvelles venues, comme des perdrix poursuivies et divisées tout le jour chantent le soir en leurs creux, à l’abri du danger.
LA POULE
Pattes jointes, elle saute son perchoir, du poulailler, dès qu’on ouvre la porte du poulailler. C’est une poule commune, modestement parée et qui ne pond jamais d’œufs d’or. Éblouie par la lumière du soleil, elle fait quelques pas, indécise, dans la cour de ferme.
Elle voit d’abord le tas de cendres où, chaque matin, elle a coutume de s’ébattre. Elle s’y roule, s’y trempe, et, d’une vive agitation d’ailes, les plumes gonflées, elle secoue ses puces de la nuit.
Puis elle va boire au plat creux que la dernière averse a rempli. Elle ne boit que de l’eau. Elle boit par petits coups et dresse le col, en équilibre sur le bord du plat.
Ensuite elle cherche sa nourriture éparse. Les fines herbes sont à elle, et les insectes et les graines perdues. Elle picore, elle picore, infatigable.
De temps en temps, elle s’arrête.
Juste sous son bonnet phrygien, l’œil vif, le jabot avantageux, elle écoute d’une oreille puis de l’autre. Et, sûre qu’il n’y a rien de neuf, elle se remet en quête.
Elle lève haut ses pattes raides, comme ceux qui ont la goutte. Elle écarte les doigts et les pose avec précaution, sans bruit.
On dirait qu’elle marche pieds nus.
COQS
I. Il n’a jamais chanté. Il n’a pas couché une nuit dans un poulailler, connu une seule poule.
Il est en bois, avec une patte en fer au milieu du ventre; et il vit, depuis des années et des années, sur une vieille église — le type qui n’est plus construit. Elle ressemble à une grange, et le faite de son toit de tuiles est aussi droit que le dos d’un taureau.
Or, voici que des ouvriers du bâtiment paraissent à l’autre bout de l’église. Le coq de bois les regarde, quand un brusque coup de vent le force à tourner le dos. Et, chaque fois qu’il se retourne, de nouvelles pierres lui bouchent un peu plus de son horizon.
Bientôt, d’une saccade, levant la tête, il aperçoit, à la pointe du clocher qu’on vient de finir, un jeune coq qui n’était pas là ce matin. Cet étranger porte haut sa queue, ouvre le bec comme ceux qui chantent; et l’aile sur la hanche, tout flambant neuf, il éclate en plein soleil.
Au départ, les deux coqs essaient de se surpasser l’un l’autre dans un concours de rotation. Mais le vieux coq de bois s’épuise vite et se rend. Sous son unique pied, la poutre menace ruine. Il penche, raidi, près de tomber. Il grince et s’arrête.
Et voilà les charpentiers.
Ils abattent ce coin vermoulu de l’église, descendent le coq et le promènent par le village. Chacun peut le toucher, moyennant cadeau. Ceux-ci donnent un œuf, ceux-là un sou, et Mme Loriot une pièce d’argent.
Les charpentiers descendent quelques verres, et, après s’être disputé le coq, ils décident de le brûler. Lui ayant fait un nid de paille et de fagot, ils mettent le feu. Le coq de bois pétille clair et sa flamme monte au ciel qu’il a bien gagné.
II. Chaque matin, au saut du perchoir, le coq regarde si l’autre est toujours là… et l’autre y est toujours.
Le coq peut se vanter d’avoir battu tous ses rivaux de la terre, mais l’autre, c’est le rival invincible, hors d’atteinte.
Le coq jette cris sur cris: il appelle, il provoque, il menace, mais l’autre ne répond qu’à son rythme, et il ne répond pas tout de suite.
Le coq fait le beau et gonfle ses plumes, qui ne sont pas mal, celles-ci bleues, et celles-là argentées; mais l’autre, tout en azur, a une lueur dorée.
Le coq rassemble ses poules, et marche à leur tête. Voyez: elles sont à lui; toutes l’aiment et toutes le craignent; mais, l’autre est adoré des hirondelles.
Le coq se donne à tous. Il pose, çà et là, ses virgules d’amour, et célèbre avec un cri aigu, avec de petits riens; mais l’autre se marie et fait la fête librement dans le village.
Le coq jaloux monte sur ses ergots pour un combat suprême; sa queue a l’air d’un pan de manteau que cache une épée. Il défie, le sang à la crête, tous les coqs du ciel; mais l’autre, qui n’a pas peur de faire face aux vents d’orage, joue avec la brise et tourne le dos.
Et le coq est exaspéré durant le reste de la journée.
Ses poules rentrent, l’une après l’autre. Il reste seul, enroué, vanné, dans la cour déjà sombre; mais l’autre éclate encore aux derniers rayons du soleil, et chante, de sa voix pure, le pacifique angélus du soir.
CANARDS
I. C’est la cane qui va la première, boitant des deux pattes, barboter au trou qu’elle connaît. Le canard la suit. Les pointes de ses ailes croisées sur le dos, il boite aussi des deux pattes. Et cane et canard marchent taciturnes comme à un rendez-vous d’affaires.
La cane d’abord se laisse glisser dans l’eau boueuse où flottent des plumes, des fientes, des feuilles de vigne, et de la paille. Elle a presque disparu.
Elle attend. Elle est prête.
Et le canard entre à son tour. Il noie ses riches couleurs. On ne voit que sa tête verte et l’accroche-cœur du derrière. Tous deux se trouvent bien là.
L’eau chauffe. Jamais on ne la vide, et elle ne se renouvelle que les jours d’orage.
Le canard, de son bec aplati, mordille et serre la nuque de la cane. Un instant il s’agite, mais l’eau est si épaisse qu’elle en frissonne à peine. Et vite calmée, plate, elle réfléchit, en noir, un coin de ciel pur.
La cane et le canard ne bougent plus. Le soleil les cuit et les endort.
On passerait près d’eux sans les remarquer. Ils ne se trahissent que par les rares bulles d’air qui viennent crever sur l’eau croupie.
II. Devant la porte fermée, ils dorment tous deux, joints et posés à plat, comme la paire de sabots d’une voisine chez un malade.
DINDES
I. Elle se pavane au milieu de la cour, comme si elle vivait sous l’Ancien Régime. Les autres volailles ne font que manger toujours, n’importe quoi.
Elle, entre ses repas réguliers, ne se préoccupe que d’avoir belle apparence. Toutes ses plumes sont empesées et les pointes de ses ailes raient le sol, comme pour tracer la route qu’elle suit: c’est là qu’elle s’avance et non ailleurs.
Elle se rengorge tant qu’elle ne voit jamais ses pattes.
Elle ne se méfie de personne, et, dès que je m’approche, elle s’imagine que je veux lui présenter mes hommages.
Déjà elle glougloute d’orgueil!
— Noble dinde, lui dis-je, si vous étiez une oie, j’écrirais votre éloge, comme le fit Buffon, avec une de vos plumes. Mais vous n’êtes qu’une dinde.
J’ai dû la vexer, car le sang monte à sa tête. Des grappes de colère lui pendent au bec. Elle voit rouge. Elle fait claquer d’un coup sec l’éventail de sa queue, et cette vieille chipie me tourne le dos.
II. Sur la route, voici encore le pensionnat des dindes. Chaque jour, quelque temps qu’il fasse, elles se promènent.
Elles ne craignent ni la pluie: personne ne se retrousse mieux qu’une dinde; ni le soleil: une dinde ne sort jamais sans son ombrelle.
LA PINTADE
C’est la bossue de ma cour de ferme. Elle ne rêve que de plaies, à cause de sa bosse.
Les poules ne lui disent rien; mais brusquement, elle se précipite sur elles, et les harcèle.
Puis elle baisse sa tête, penche le corps, et, de toute la vitesse de ses pattes maigres, elle court frapper, de son bec dur, juste au centre de la roue d’une dinde.
Cette poseuse l’agaçait!
Ainsi, la tête bleuie, ses barbillons à vif, cocardière, elle rage du matin au soir.
Elle se bat sans motif, peut-être parce qu’elle s’imagine toujours qu’on se moque de sa taille, de son crâne chauve et de sa queue basse. Et, elle ne cesse de pousser un cri discordant qui perce l’air comme une flèche.
Parfois elle quitte la cour et disparaît. Elle laisse aux volailles pacifiques un moment de répit. Mais elle revient plus turbulente et plus criarde. Et, frénétique, elle se vautre sur le sol.
Qu’est-ce qu’il lui est arrivé?
La sournoise fait une farce.
Elle est allée pondre son œuf à la campagne.
Je peux le chercher si ça m’amuse.
Elle se roule dans la poussière, comme une bossue.
L’OIE
Tiennette voudrait aller à Paris, comme les autres filles du village. Mais est-elle même capable de garder ses oies? À vrai dire, elle les suit plutôt qu’elle ne les mène.
Elle tricote machinalement, derrière son troupeau; et elle s’en rapporte à l’oie de Toulouse qui a la raison d’une grande personne. L’oie de Toulouse connaît le chemin, les bonnes herbes, et l’heure où il faut rentrer.
Aussi brave que le jars est lâche, elle protège ses sœurs contre le mauvais chien.
Son col vibre et serpente à ras de terre, puis se redresse; et elle domine Tiennette effarée.
Dès que tout va bien, elle célèbre et chante du nez, démontrant clairement qu’elle sait grâce à qui l’ordre règne. Elle ne doute pas qu’elle pourrait faire mieux encore.
Et, un soir, elle quitte la région. Elle s’éloigne sur la route, bec au vent, plumes collées. Des femmes, qu’elle croise, n’osent l’arrêter. Elle marche à une vitesse ahurissante.
Et pendant que Tiennette, restée là-bas, finit par s’abêtir, et, toute pareille aux oies, ne s’en distingue plus, l’oie de Toulouse vient à Paris!
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