Nature Stories
Histoires naturelles
(French to English)
Author: Jules Renard
1909
Translator/Editor: Nik Marcel 2018
English translated from French.
Copyright
© 2018 Nik Marcel
All
rights reserved.
A Bilingual (Dual-Language) Project
2Language Books
SECTION 2
Nature Stories: French to English
(Histoires naturelles)
Chapitre 1
Chapter 1
Le Chasseur d’Images; la Poule; Coqs; Canards; Dindes; la Pintade;
l’Oie; les Pigeons; les Deux Pigeons; le Paon; le Cygne.
The
Image Hunter; the Hen; Roosters; Ducks; Turkeys; the Guinea Fowl; the Goose;
the Pigeons; the Two Pigeons; the Peacock; the Swan.
LE CHASSEUR D’IMAGES
THE
IMAGE HUNTER
Il saute du lit de bon matin,
et ne part que si son esprit est net, son cœur pur, et son corps léger comme un
vêtement d’été.
He
jumps out of bed early in the morning, and does not leave unless his mind is
clear, his heart pure, and his body light as a summer garment.
Il n’emporte pas de
provisions. Il boira l’air frais en route, et reniflera les odeurs salubres.
He
takes no provisions with him. He will drink the fresh air on the way, and will
sniff the health-giving smells.
Il laisse ses armes à la
maison, et se contente d’ouvrir les yeux. Les yeux servent de filets où les
images s’emprisonnent d’elles-mêmes.
He
leaves his weapons at home, and is content with simply opening his eyes. The
eyes serve as nets where the images are imprisoned by themselves.
La première qu’il fait captive
est celle du chemin qui montre ses os, ses cailloux polis, et ses ornières,
veines crevées, entre deux haies riches de prunelles et de mûres.
The
first that he makes captive is that of the path which displays its bones, its
polished pebbles, and its ruts, punctured veins, between two hedges full of
sloes and blackberries.
Il prend ensuite l’image de la
rivière. Elle blanchit aux coudes, et dort sous la caresse des saules. Elle
miroite quand un poisson tourne le ventre, comme si on jetait une pièce
d’argent; et, dès que tombe une pluie fine, la rivière a la chair de poule.
He
then takes a picture of the river. She whitens at the elbows, and sleeps under
the caress of the willows. She shimmers when a fish turns up its belly, as if
someone were throwing in a silver coin; and, as soon as a fine rain falls, the
river has goose bumps.
Il capture l’image des blés
mobiles, des luzernes appétissantes et des prairies ourlées de ruisseaux. Il
saisit au passage le vol d’une alouette ou d’un chardonneret.
He
captures a picture of moving wheat, of appetizing lucerne, and of meadows
hemmed by streams. On the way, he captures the flight of a lark or a goldfinch.
Puis il entre au bois. Il ne
se savait pas doué de sens si délicats.
Then
he goes into the woods. He did not know that he was endowed with such delicate
senses.
Vite imprégné de parfums, il
ne perd aucune sourde rumeur; et, pour qu’il communique avec les arbres, ses
nerfs se lient aux nervures des feuilles.
Quickly
impregnated with scents, he does not miss any dull murmur; and, so that he
communicates with the trees, his nerves bind themselves to the veins of the
leaves.
Bientôt, vibrant jusqu’au
malaise, il perçoit trop, il s’échauffe, il a peur; il quitte le bois et suit
de loin les bûcherons regagnant le village.
Soon,
vibrating to the point of feeling faint, he perceives too much, he becomes
heated, he is afraid; he leaves the woods and, from a distance, follows the
woodcutters returning to the village.
Il fixe un moment — au point
que son œil éclate — le soleil qui se couche et jette sur l’horizon ses
lumineux habits, ses nuages répandus pêle-mêle.
For
a moment he stares — so much so that his eye bursts — at the sun which is
setting, and which is casting its radiant clothes onto the horizon, its clouds
scattered pell-mell.
Enfin, étant rentré chez lui,
la tête pleine, il éteint sa lampe et longuement, avant de s’endormir, il se
plaît à compter ses images.
Finally,
having returned home, his head full, he extinguishes his lamp and, for a long
time, before falling asleep, he takes pleasure in counting his images.
Dociles, elles sont récupérées
de la mémoire. Chacune d’elles en éveille une autre, et sans cesse leur troupe
phosphorescente s’accroît de nouvelles venues, comme des perdrix poursuivies et
divisées tout le jour chantent le soir en leurs creux, à l’abri du danger.
Docile,
they are retrieved from memory. Each of them awakens another, and their
phosphorescent troop breeds newcomers ceaselessly, like partridges, pursued and
divided all day long, sing in the evening in their hollows, sheltered from
danger.
LA POULE
THE
HEN
Pattes jointes, elle saute son
perchoir, du poulailler, dès qu’on ouvre la porte du poulailler. C’est une
poule commune, modestement parée et qui ne pond jamais d’œufs d’or. Éblouie par
la lumière du soleil, elle fait quelques pas, indécise, dans la cour de ferme.
Feet
joined, she jumps off her perch, as soon as the gate of the chicken coop opens.
She is a common hen, modestly attired, and who never lays golden eggs. Dazzled
by the sunlight, she takes a few indecisive steps, in the farmyard.
Elle voit d’abord le tas de
cendres où, chaque matin, elle a coutume de s’ébattre. Elle s’y roule, s’y
trempe, et, d’une vive agitation d’ailes, les plumes gonflées, elle secoue ses
puces de la nuit.
First
she sees the pile of ashes where, every morning, she is in the habit of
frolicking about. She rolls in it, immerses herself in it, and, with a lively
flurry of wings, her feathers puffed up, she shakes up her fleas from the
night.
Puis elle va boire au plat
creux que la dernière averse a rempli. Elle ne boit que de l’eau. Elle boit par
petits coups et dresse le col, en équilibre sur le bord du plat.
Then
she goes to drink from the hollow dish that the last shower has filled. She
drinks nothing but water. She drinks in small strokes and draws up her neck,
balancing on the edge of the dish.
Ensuite elle cherche sa
nourriture éparse. Les fines herbes sont à elle, et les insectes et les graines
perdues. Elle picore, elle picore, infatigable.
Then
she seeks out her scattered food. The fine grasses are hers, and the insects
and lost seeds. She pecks, she pecks, indefatigable.
De temps en temps, elle
s’arrête.
From
time to time she stops.
Juste sous son bonnet
phrygien, l’œil vif, le jabot avantageux, elle écoute d’une oreille puis de
l’autre. Et, sûre qu’il n’y a rien de neuf, elle se remet en quête.
Right
under her Phrygian cap, her eyes bright, her crop flattering, she listens with
one ear, then the other. And, sure that there is nothing new, she goes off
searching again.
Elle lève haut ses pattes
raides, comme ceux qui ont la goutte. Elle écarte les doigts et les pose avec
précaution, sans bruit.
She
raises her stiff legs high, like those who have gout. She spreads her claws and
places them carefully, noiselessly.
On dirait qu’elle marche pieds
nus.
You
could say that she is walking barefoot.
COQS
ROOSTERS
I. Il n’a jamais chanté. Il
n’a pas couché une nuit dans un poulailler, connu une seule poule.
I.
He has never sang. He has not slept a night in a hen house, has not been
intimate with a single hen.
Il est en bois, avec une patte
en fer au milieu du ventre; et il vit, depuis des années et des années, sur une
vieille église — le type qui n’est plus construit. Elle ressemble à une grange,
et le faite de son toit de tuiles est aussi droit que le dos d’un taureau.
He
is made out of wood, with an iron foot in the middle of the belly; and he has
lived, for years and years, on an old church — the kind that is no longer
built. It looks like a barn, and the ridge of its tiled roof is as straight as
the back of a bull.
Or, voici que des ouvriers du
bâtiment paraissent à l’autre bout de l’église. Le coq de bois les regarde,
quand un brusque coup de vent le force à tourner le dos. Et, chaque fois qu’il
se retourne, de nouvelles pierres lui bouchent un peu plus de son horizon.
Now,
some construction workers appear at the other end of the church. The wooden
rooster looks at them, when a sudden gust of wind forces him to turn his back.
And, every time he turns around, new stones block his view a little more.
Bientôt, d’une saccade, levant
la tête, il aperçoit, à la pointe du clocher qu’on vient de finir, un jeune coq
qui n’était pas là ce matin. Cet étranger porte haut sa queue, ouvre le bec
comme ceux qui chantent; et l’aile sur la hanche, tout flambant neuf, il éclate
en plein soleil.
Soon,
with a jerk, raising his head, he sees, at the tip of the steeple that has just
been finished, a young rooster who was not there this morning. This stranger is
holding his tail high, has his beak open, like those who crow; and, wings on
the hip, all brand-new, he dazzles in full sunlight.
Au départ, les deux coqs
essaient de se surpasser l’un l’autre dans un concours de rotation. Mais le
vieux coq de bois s’épuise vite et se rend. Sous son unique pied, la poutre
menace ruine. Il penche, raidi, près de tomber. Il grince et s’arrête.
Initially,
the two roosters try to outdo each other in a spinning competition. But the old
wooden rooster quickly wears himself out and surrenders. Under his single foot,
the beam threatens ruin. He leans, stiff, almost falling. He creaks and stops.
Et voilà les charpentiers.
And
here come the carpenters.
Ils abattent ce coin vermoulu
de l’église, descendent le coq et le promènent par le village. Chacun peut le
toucher, moyennant cadeau. Ceux-ci donnent un œuf, ceux-là un sou, et Mme
Loriot une pièce d’argent.
They
pull down that worm-eaten corner of the church, bring down the rooster, and
parade it through the village. Everyone can touch it, in return for a gift.
These give an egg, those a penny, and Madame Loriot a silver coin.
Les charpentiers descendent
quelques verres, et, après s’être disputé le coq, ils décident de le brûler.
Lui ayant fait un nid de paille et de fagot, ils mettent le feu. Le coq de bois
pétille clair et sa flamme monte au ciel qu’il a bien gagné.
The
carpenters down a few drinks, and, after arguing over the rooster, they decide
to burn it. Having made a nest of straw and sticks, they set fire to him. The
wooden rooster crackles crisply, and his flame ascends to heaven, which is well
deserved.
II. Chaque matin, au saut du
perchoir, le coq regarde si l’autre est toujours là… et l’autre y est toujours.
II.
Every morning, as he jumps off the perch, the rooster looks to see if the other
is still there… and the other always is.
Le coq peut se vanter d’avoir
battu tous ses rivaux de la terre, mais l’autre, c’est le rival invincible,
hors d’atteinte.
The
rooster can boast of having defeated all his rivals on earth, but the other is
the invincible rival, out of reach.
Le coq jette cris sur cris: il
appelle, il provoque, il menace, mais l’autre ne répond qu’à son rythme, et il
ne répond pas tout de suite.
The
rooster launches cries upon cries: he calls, he provokes, he threatens, but the
other only responds in his own time, and he does not answer right away.
Le coq fait le beau et gonfle
ses plumes, qui ne sont pas mal, celles-ci bleues, et celles-là argentées; mais
l’autre, tout en azur, a une lueur dorée.
The
rooster preens himself and puffs up its feathers, which are certainly decent,
some blue, and others silvery; but the other, all in blue, has a golden glow.
Le coq rassemble ses poules,
et marche à leur tête. Voyez: elles sont à lui; toutes l’aiment et toutes le
craignent; mais, l’autre est adoré des hirondelles.
The
rooster gathers his hens together, and walks at their head. See, they are his;
all love him and all fear him; but, the other is adored by the swallows.
Le coq se donne à tous. Il
pose, çà et là, ses virgules d’amour, et célèbre avec un cri aigu, avec de
petits riens; mais l’autre se marie et fait la fête librement dans le village.
The
rooster gives of himself to all. Here and there, he places his commas of love,
and celebrates with a sharp cry, with little nothings; but the other gets
married and parties with abandon in the village.
Le coq jaloux monte sur ses
ergots pour un combat suprême; sa queue a l’air d’un pan de manteau que cache
une épée. Il défie, le sang à la crête, tous les coqs du ciel; mais l’autre,
qui n’a pas peur de faire face aux vents d’orage, joue avec la brise et tourne
le dos.
The
jealous rooster gets himself ready for a supreme fight; his tail looks like a
coat-tail hiding a sword. Blood filling his comb, he defies all the roosters of
the sky; but the other, who is not afraid to face the stormy winds, plays with
the breeze and turns his back.
Et le coq est exaspéré durant
le reste de la journée.
And
the rooster is infuriated for the rest of the day.
Ses poules rentrent, l’une
après l’autre. Il reste seul, enroué, vanné, dans la cour déjà sombre; mais
l’autre éclate encore aux derniers rayons du soleil, et chante, de sa voix
pure, le pacifique angélus du soir.
His
hens go home, one by one. He remains alone, hoarse, knackered, in the already
dark yard; but the other again bursts forth, with the last rays of the
sunlight, and, with his pure voice, sings the peaceful evening Angelus.
CANARDS
DUCKS
I. C’est la cane qui va la
première, boitant des deux pattes, barboter au trou qu’elle connaît. Le canard
la suit. Les pointes de ses ailes croisées sur le dos, il boite aussi des deux
pattes. Et cane et canard marchent taciturnes comme à un rendez-vous
d’affaires.
I.
It is the duck who goes first, waddling with both feet, to paddle in the hole
she knows. The drake follows her. The tips of his wings crossed on the back, he
also waddles with two feet. And duck and drake are walking taciturn, as if at a
business meeting.
La cane d’abord se laisse
glisser dans l’eau boueuse où flottent des plumes, des fientes, des feuilles de
vigne, et de la paille. Elle a presque disparu.
The
duck is the first to slip into the muddy water where feathers, droppings, vine
leaves, and straw float. She has almost disappeared.
Elle attend. Elle est prête.
She
is waiting. She is ready.
Et le canard entre à son tour.
Il noie ses riches couleurs. On ne voit que sa tête verte et l’accroche-cœur du
derrière. Tous deux se trouvent bien là.
And
the drake enters in his turn. He submerges his rich colours. All that is
visible is his green head and the kiss-curl of his behind. Indeed, both are
there.
L’eau chauffe. Jamais on ne la
vide, et elle ne se renouvelle que les jours d’orage.
The
water warms. It is never emptied, and is only renewed on stormy days.
Le canard, de son bec aplati,
mordille et serre la nuque de la cane. Un instant il s’agite, mais l’eau est si
épaisse qu’elle en frissonne à peine. Et vite calmée, plate, elle réfléchit, en
noir, un coin de ciel pur.
With
his flat beak, the drake nibbles and squeezes the neck of the duck. For a
moment he throws himself about, but the water is so thick that it scarcely ripples.
And quickly calmed, flat, it reflects, in black, a piece of pure sky.
La cane et le canard ne
bougent plus. Le soleil les cuit et les endort.
The
duck and the drake do not move anymore. The sun is cooking them and is sending
them to sleep.
On passerait près d’eux sans
les remarquer. Ils ne se trahissent que par les rares bulles d’air qui viennent
crever sur l’eau croupie.
You
could pass near them without noticing them. They only give themselves away by
the rare air bubbles which end up bursting on the stagnant water.
II. Devant la porte fermée,
ils dorment tous deux, joints et posés à plat, comme la paire de sabots d’une
voisine chez un malade.
II.
In front of the closed door, the two of them are sleeping, joined and lying
flat, like the pair of clogs of a neighbour at a sick person’s place.
DINDES
TURKEYS
I. Elle se pavane au milieu de
la cour, comme si elle vivait sous l’Ancien Régime. Les autres volailles ne
font que manger toujours, n’importe quoi.
I.
She struts about in the middle of the courtyard, as though she were living
under the Ancient Regime. The other birds are just eating, all the time, and no
matter what.
Elle, entre ses repas
réguliers, ne se préoccupe que d’avoir belle apparence. Toutes ses plumes sont
empesées et les pointes de ses ailes raient le sol, comme pour tracer la route
qu’elle suit: c’est là qu’elle s’avance et non ailleurs.
Between
her regular meals, she only concerns herself with looking good. All her
feathers are starched, and the tips of her wings scratch the ground, as if to
trace the route she follows: it is here that she advances, and not elsewhere.
Elle se rengorge tant qu’elle
ne voit jamais ses pattes.
She
puffs herself up so much that she never sees her feet.
Elle ne se méfie de personne,
et, dès que je m’approche, elle s’imagine que je veux lui présenter mes
hommages.
She
is not suspicious of anyone, and, as soon as I draw near, she imagines that I
want to pay my respects to her.
Déjà elle glougloute
d’orgueil!
She
is already gobbling with pride!
— Noble dinde, lui dis-je, si
vous étiez une oie, j’écrirais votre éloge, comme le fit Buffon, avec une de
vos plumes. Mais vous n’êtes qu’une dinde.
“Noble
turkey,” I say to her, “if you were a goose, I would write your eulogy, as
Buffon did, with one of your feathers. But you are only a turkey.”
J’ai dû la vexer, car le sang
monte à sa tête. Des grappes de colère lui pendent au bec. Elle voit rouge.
Elle fait claquer d’un coup sec l’éventail de sa queue, et cette vieille chipie
me tourne le dos.
I
must have hurt her feelings, because the blood is going to her head. Clusters
of anger hang from her beak. She is seeing red. With a curt snap, she opens the
fan of her tail, and that old cheeky wench turns her back to me.
II. Sur la route, voici encore
le pensionnat des dindes. Chaque jour, quelque temps qu’il fasse, elles se
promènent.
II.
On the road, here again is the boarding school of turkeys. Every day, whatever
the weather, they go for a walk.
Elles ne craignent ni la
pluie: personne ne se retrousse mieux qu’une dinde; ni le soleil: une dinde ne
sort jamais sans son ombrelle.
They
do not fear the rain: no one hitches up their skirt better than a turkey; and
nor do they fear the sun: a turkey never goes out without her parasol.
LA PINTADE
THE
GUINEA FOWL
C’est la bossue de ma cour de
ferme. Elle ne rêve que de plaies, à cause de sa bosse.
She
is the hunchback of my farmyard. She dreams only of wounds, on account of her
hump.
Les poules ne lui disent rien;
mais brusquement, elle se précipite sur elles, et les harcèle.
The
hens say nothing to her; but suddenly, she rushes at them, and harasses them.
Puis elle baisse sa tête,
penche le corps, et, de toute la vitesse de ses pattes maigres, elle court
frapper, de son bec dur, juste au centre de la roue d’une dinde.
Then
she lowers her head, tilts her body forward, and, with all the speed her skinny
legs can call on, runs to strike — with her hard beak — right at the centre of
a turkey’s wheel.
Cette poseuse l’agaçait!
That
poser was getting on her nerves!
Ainsi, la tête bleuie, ses
barbillons à vif, cocardière, elle rage du matin au soir.
Thus,
with her head blued, her wattles open, jingoistic, she rages from morning to
night.
Elle se bat sans motif,
peut-être parce qu’elle s’imagine toujours qu’on se moque de sa taille, de son
crâne chauve et de sa queue basse. Et, elle ne cesse de pousser un cri
discordant qui perce l’air comme une flèche.
She
fights without motive, perhaps because she always imagines that everyone is
making fun of her waist, her bald head, and her low tail. And, she keeps on
uttering a discordant cry that pierces the air like an arrow.
Parfois elle quitte la cour et
disparaît. Elle laisse aux volailles pacifiques un moment de répit. Mais elle
revient plus turbulente et plus criarde. Et, frénétique, elle se vautre sur le
sol.
Sometimes
she leaves the yard and disappears. She allows the peaceful birds a moment of
respite. But she comes back more turbulent and more noisy. And, frenzied, she
sprawls on the ground.
Qu’est-ce qu’il lui est
arrivé?
What
is wrong with her?
La sournoise fait une farce.
The
sneak is playing a joke.
Elle est allée pondre son œuf
à la campagne.
She
went to lay her egg in the countryside.
Je peux le chercher si ça
m’amuse.
I
can look for it if it amuses me.
Elle se roule dans la
poussière, comme une bossue.
She
rolls in the dust like a hunchback.
L’OIE
THE
GOOSE
Tiennette voudrait aller à
Paris, comme les autres filles du village. Mais est-elle même capable de garder
ses oies? À vrai dire, elle les suit plutôt qu’elle ne les mène.
Tiennette
would like to go to Paris, like the other girls in the village. But is she even
capable of minding her geese? The truth is, she follows them rather than leads
them.
Elle tricote machinalement,
derrière son troupeau; et elle s’en rapporte à l’oie de Toulouse qui a la
raison d’une grande personne. L’oie de Toulouse connaît le chemin, les bonnes
herbes, et l’heure où il faut rentrer.
She
knits mechanically, behind her flock; and she relies on the Toulouse goose, who
has the discernment of a grown-up. The Toulouse goose knows the way, the good
grasses, and the time when they must return home.
Aussi brave que le jars est
lâche, elle protège ses sœurs contre le mauvais chien.
As
brave as the gander is cowardly, she protects her sisters against the bad dog.
Son col vibre et serpente à
ras de terre, puis se redresse; et elle domine Tiennette effarée.
Her
neck vibrates and snakes along the ground, then straightens up; and she comes
out on top against the frightened Tiennette.
Dès que tout va bien, elle
célèbre et chante du nez, démontrant clairement qu’elle sait grâce à qui
l’ordre règne. Elle ne doute pas qu’elle pourrait faire mieux encore.
As
soon as all is well, she celebrates and sings through her nose, making it clear
that she knows thanks to whom order reigns. She does not doubt whether she
could do better still.
Et, un soir, elle quitte la
région. Elle s’éloigne sur la route, bec au vent, plumes collées. Des femmes,
qu’elle croise, n’osent l’arrêter. Elle marche à une vitesse ahurissante.
And,
one evening, she leaves the area. She goes away on the road, beak to the wind,
feathers pressed down. Some women, whom she passes, do not dare stop her. She
walks at a frightening pace.
Et pendant que Tiennette,
restée là-bas, finit par s’abêtir, et, toute pareille aux oies, ne s’en
distingue plus, l’oie de Toulouse vient à Paris!
And
while Tiennette, remaining there, ends up dulling her mind, and, just like the
geese, is no longer distinguishable from them, it is the Toulouse goose who
comes to Paris!
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