Around the World in 80 Days
Le Tour du monde en
80 jours
(French to English)
Author: Jules Verne
Translator: George M.
Towle
Translator/Editor:
Nik Marcel 2014
English translated from French.
Copyright
© 2018 Nik Marcel
All
rights reserved.
A Bilingual (Dual-Language) Project
2Language Books
Le Tour du monde en 80 jours
Around the World in
80 Days
Chapitre 1
Chapter 1
En l’année 1872, la maison
portant le numéro 7 de Saville-row, Burlington Gardens — maison dans laquelle
Sheridan mourut en 1814 — était habitée par Phileas Fogg, esq., l’un des
membres les plus singuliers et les plus remarqués du Reform-Club de Londres,
bien qu’il semblât prendre à tâche de ne rien faire qui pût attirer
l’attention.
In
the year of 1872, the house bearing the number 7, in Saville-row, Burlington
Gardens — the house in which Sheridan died in 1814 — was inhabited by Phileas
Fogg, esquire, one of the most eccentric and notable members of the Reform-Club
of London, although he seemed to make an effort to not do anything that might
attract attention.
Anglais, à coup sûr, Phileas
Fogg n’était peut-être pas Londonner.
Though
undoubtedly English, Phileas Fogg was perhaps not a Londoner.
On ne l’avait jamais vu ni à
la Bourse, ni à la Banque, ni dans aucun des comptoirs de la Cité.
No
one had ever seen him at the Stock Exchange, nor at the Bank, and nor in the
commercial offices of the city.
Ni les bassins ni les docks de
Londres n’avaient jamais reçu un navire ayant pour armateur Phileas Fogg.
Neither
the bay nor the docks of London had ever received a ship having Phileas Fogg as
an owner.
Ce gentleman ne figurait dans
aucun comité d’administration.
This
gentleman was not on any board of directors.
Phileas Fogg était membre du
Reform-Club, et voilà tout.
Phileas
Fogg was a member of the Reform club, and that was all.
Il parlait aussi peu que
possible, et semblait d’autant plus mystérieux qu’il était silencieux.
He
spoke as little as possible, and seemed far more mysterious because he was so
silent.
Avait-il voyagé? C’était
probable, car personne ne possédait mieux que lui la carte du monde. Il n’était
endroit si reculé dont il ne parût avoir une connaissance spéciale.
Had
he travelled? It was likely, for no one possessed more knowledge than he did
about the map of the world; there was no place so secluded that he could not at
least appear to have a special knowledge about it.
C’était un homme qui avait dû
voyager partout, — en esprit, tout au moins.
He
was a man who must have travelled all over — in spirit at least.
Ce qui était certain
toutefois, c’est que, depuis de longues années, Phileas Fogg n’avait pas quitté
Londres.
Nevertheless,
it was certain that, since many years, Phileas Fogg had not left London.
Ceux qui avaient l’honneur de
le connaître un peu plus que les autres attestaient que — si ce n’est sur ce
chemin direct qu’il parcourait chaque jour pour venir de sa maison au club —
personne ne pouvait prétendre l’avoir jamais vu ailleurs.
Those
who had the honour of knowing him a little more than the rest attested that —
if not on the direct path travelled each day to go from his house to the club —
nobody could pretend to have ever seen him anywhere else.
Son seul passe-temps était de
lire les journaux et de jouer au whist.
His
sole pastimes were reading the papers and playing whist.
On ne connaissait à Phileas
Fogg ni femme ni enfants, — ce qui peut arriver aux gens les plus honnêtes, —
ni parents ni amis, — ce qui est plus rare en vérité.
Phileas
Fogg was not known to have either wife or children — which can happen to the
most honest people. Neither was he known to have family or friends — which, in
truth, is certainly more rare.
Phileas Fogg vivait seul dans
sa maison de Saville-row, où personne ne pénétrait.
He
lived alone in his house in Saville-row, where no person ever infiltrated.
De son intérieur, jamais il
n’était question. Un seul domestique suffisait à le servir.
As
to its interior, it has always remained unanswered. A single domestic was
sufficient to serve him.
Ce jour-là même, 2 octobre,
Phileas Fogg avait donné son congé à James Forster — ce garçon s’étant rendu
coupable de lui avoir apporté pour sa barbe de l’eau à quatre-vingt-quatre
degrés Fahrenheit au lieu de quatre-vingt-six —, et il attendait son
successeur, qui devait se présenter entre onze heures et onze heures et demie.
On
this very day, the 2nd of October, Phileas Fogg had given notice to James
Forster — the young man was rendered culpable for having brought him shaving
water at eighty-four degrees Fahrenheit instead of eighty-six — and he was
awaiting his successor, who was to present himself between eleven and
half-past.
A onze heures et demie
sonnant, Mr. Fogg devait, suivant sa quotidienne habitude, quitter la maison et
se rendre au Reform-Club.
At
eleven-thirty sharp, Mr. Fogg would, according to his daily habit, leave the
house, and set off to the Reform-Club.
En ce moment, on frappa à la
porte du petit salon dans lequel se tenait Phileas Fogg.
At
this moment, a rap sounded on the door of the small room where Phileas Fogg was
sitting.
James Forster, le congédié,
apparut.
James
Forster, the dismissed servant, appeared.
«Le nouveau domestique...»
dit-il.
“The
new servant,” he said.
Un garçon âgé d’une trentaine
d’années se montra et salua.
A
young man of around thirty years in age came forward and bowed.
«Vous êtes Français et vous
vous nommez John? lui demanda Phileas Fogg.
“You
are French, and your name is John?” asked Phileas Fogg.
— Jean, n’en déplaise à
monsieur, répondit le nouveau venu, Jean Passepartout, un surnom qui m’est
resté, et que justifiait mon aptitude naturelle à me tirer d’affaire.
“Jean,
if monsieur pleases,” replied the newcomer, “Jean Passepartout, a surname which
has clung to me because I have a natural aptitude for taking to different
occupations.
Je crois être un honnête
garçon, monsieur, mais, pour être franc, j’ai fait plusieurs métiers.
I
believe I am an honest man, monsieur, but, to be frank, I have had several
trades.
J’ai été chanteur ambulant,
écuyer dans un cirque, faisant de la voltige comme Léotard, et dansant sur la
corde comme Blondin;
I
have been an itinerant singer; a horseman in a circus — performing aerobatics
like Leotard, and dancing on a rope like Blondin;
puis je suis devenu professeur
de gymnastique, afin de rendre mes talents plus utiles, et, en dernier lieu,
j’étais sergent de pompiers, à Paris.
then
I became a professor of gymnastics, so as to make better use of my talents; and
most recently, I was a fireman sergeant in Paris.
J’ai même dans mon dossier des
incendies remarquables.
I
have, on my résumé, the most remarkable fires.
Mais voilà cinq ans que j’ai
quitté la France et que, voulant goûter de la vie de famille, je suis valet de
chambre en Angleterre.
But
it has been five years since I quit France, and, wanting to get a taste of
domestic life, I became a (male) servant here in England.
Or, me trouvant sans place et
ayant appris que Monsieur Phileas Fogg était l’homme le plus exact et le plus
sédentaire du Royaume-Uni, je me suis présenté chez monsieur avec l’espérance
d’y vivre tranquille et d’oublier jusqu’à ce nom de Passepartout…»
Now,
finding myself without residence, and upon learning that Monsieur Phileas Fogg
was the most exact and the most settled gentleman in the United Kingdom, I have
presented myself at your place in the hope of living a tranquil life, and forgetting
even the name of Passepartout.”
— Passepartout me convient,
répondit le gentleman. Vous m’êtes recommandé. J’ai de bons renseignements sur
votre compte. Vous connaissez mes conditions?
“Passepartout
suits me,” responded Mr. Fogg. “You come well recommended to me; I have had
good reports about you. You know my conditions?”
— Oui, monsieur.
“Yes,
monsieur.”
— Bien. Quelle heure
avez-vous?
“Good!
What time is it?”
— Onze heures vingt-deux,
répondit Passepartout, en tirant des profondeurs de son gousset une énorme
montre d’argent.
“Twenty-two
minutes after eleven,” replied Passepartout, drawing an enormous silver watch
from the depths of his pocket.
— Vous retardez, dit Mr. Fogg.
“You
are too slow,” said Mr Fogg.
— Que monsieur me pardonne,
mais c’est impossible.
“Pardon
me, monsieur, but that is impossible.”
— Vous retardez de quatre
minutes. N’importe. Il suffit de constater l’écart. Donc, à partir de ce
moment, onze heures vingt-neuf du matin, ce mercredi 2 octobre 1872, vous êtes
à mon service.»
“You
are slow by four minutes. No matter; it is enough to note the difference. So,
from this moment, twenty-nine minutes after eleven in the morning, this
Wednesday, October 2nd, 1872, you are in my service.”
Cela dit, Phileas Fogg se
leva, prit son chapeau de la main gauche, le plaça sur sa tête avec un
mouvement d’automate et disparut sans ajouter une parole.
That
said, Phileas Fogg got up, took his hat in his left hand, put it on his head
with an automatic motion, and disappeared without adding a word.
Passepartout entendit la porte
de la rue se fermer une première fois : c’était son nouveau maître qui sortait
; puis une seconde fois : c’était son prédécesseur, James Forster, qui s’en
allait à son tour.
Passepartout
heard the door to the street shut one time — it was his new master departing.
He heard it shut again — it was his predecessor, James Forster, who was in his
turn leaving.
Passepartout demeura seul dans
la maison de Saville-row.
Passepartout
remained alone in the house in Saville-row.
«Sur ma foi, se dit
Passepartout, un peu ahuri tout d’abord, j’ai connu chez Mme Tussaud des
bonshommes aussi vivants que mon nouveau maître!»
“Faith,”
muttered Passepartout, a little stunned at first, “I have seen folk at Madame
Tussaud’s as lively as my new master!”
«Cela me va, cela me va!» se
dit Passepartout.
“That
suits me fine; that will do!” said Passepartout to himself.
«Cela me va! voilà mon
affaire! Nous nous entendrons parfaitement, Mr. Fogg et moi! Un homme casanier
et régulier! Une véritable mécanique! Eh bien, je ne suis pas fâché de servir
une mécanique!»
“This
suits me! This is my calling! We shall get on together perfectly, Mr. Fogg and
me! What a domestic and regular gentleman! A veritable machine! Well, I do not
mind serving a machine.”
Phileas Fogg avait quitté sa
maison de Saville-row à onze heures et demie, et, après avoir placé cinq cent
soixante-quinze fois son pied droit devant son pied gauche et cinq cent
soixante-seize fois son pied gauche devant son pied droit, il arriva au
Reform-Club, vaste édifice, élevé dans Pall-Mall, qui n’a pas coûté moins de
trois millions à bâtir.
Phileas
Fogg, having shut the door of his house at half-past eleven, and having put his
right foot before his left five hundred and seventy-five times, and his left
foot before his right five hundred and seventy-six times, reached the Reform
Club, an imposing edifice in Pall Mall, which could not have cost less than
three million to build.
Une demi-heure plus tard,
divers membres du Reform-Club faisaient leur entrée et s’approchaient de la
cheminée, où brûlait un feu de houille.
Half
an hour later, various members of the Reform club made their entrance, and
approached the fireplace, where burned a coal fire.
C’étaient les partenaires
habituels de Mr. Phileas Fogg, comme lui enragés joueurs de whist : l’ingénieur
Andrew Stuart, les banquiers John Sullivan et Samuel Fallentin, le brasseur
Thomas Flanagan, Gauthier Ralph, un des administrateurs de la Banque
d’Angleterre, — personnages riches et considérés, même dans ce club qui compte
parmi ses membres les sommités de l’industrie et de la finance.
They
were Mr. Fogg’s usual partners — like him, they were mad keen players at whist:
Andrew Stuart, an engineer; John Sullivan and Samuel Fallentin, bankers; Thomas
Flanagan, a brewer; and Gauthier Ralph, one of the Directors of the Bank of
England — all rich and highly respectable persons, even in a club that
comprises the luminaries of industry and finance.
«Eh bien, Ralph, demanda
Thomas Flanagan, où en est cette affaire de vol?
“Well,
Ralph,” demanded Thomas Flanagan, “what about that robbery?”
— Eh bien, répondit Andrew
Stuart, la banque en sera pour son argent.
“Oh,
well,” replied Stuart, “the Bank will lose the money.”
— J’espère, au contraire, dit
Gauthier Ralph, que nous mettrons la main sur l’auteur du vol. Des inspecteurs
de police, gens fort habiles, ont été envoyés en Amérique et en Europe, dans
tous les principaux ports d’embarquement et de débarquement, et il sera
difficile à ce monsieur de leur échapper.
“On
the contrary,” broke in Ralph, “I hope we can get our hands on the robber.
Detectives — very able folk — have been sent to America and Europe: to all the
principal ports where one can embark and disembark; and it will be difficult
for this fellow to avoid them.”
— Mais on a donc le
signalement du voleur? demanda Andrew Stuart.
“But
have you got the robber’s description?” asked Stuart.
— D’abord, ce n’est pas un
voleur, répondit sérieusement Gauthier Ralph.
“In
the first place, he is no robber at all,” replied Ralph, seriously.
— Comment, ce n’est pas un
voleur, cet individu qui a soustrait cinquante-cinq mille livres en bank-notes?
“What!
He is not a thief; this individual who makes off with fifty-five thousand
pounds in bank-notes?”
— Non, répondit Gauthier
Ralph.
“No,”
responded Ralph.
— C’est donc un industriel?
dit John Sullivan.
“Perhaps
he is an industrialist then?” inquired Sullivan.
— Le Morning-Chronicle assure
que c’est un gentleman.»
“The
Morning-Chronicle says that he is a gentleman.”
Celui qui fit cette réponse
n’était autre que Phileas Fogg, dont la tête émergeait alors du flot de papier
amassé autour de lui. En même temps, Phileas Fogg salua ses collègues, qui lui
rendirent son salut.
It
was none other than Phileas Fogg who made this remark, his head emerging from
behind the mass of newspapers around him. At the same time, he bowed to his
friends, who in turn acknowledged his salute.
«Je soutiens, dit Andrew
Stuart, que les chances sont en faveur du voleur, qui ne peut manquer d’être un
habile homme!
“I
maintain,” said Stuart, “that the chances are in favour of the thief, who is
undoubtedly a shrewd fellow!”
— Allons donc! répondit Ralph,
il n’y a plus un seul pays dans lequel il puisse se réfugier.
“Come
on!” returned Ralph. “There is not a single country in which he can take
refuge.”
— Par exemple!
“For
example!”
— Où voulez-vous qu’il aille?
“Where
could he go, then?”
— Je n’en sais rien, répondit
Andrew Stuart, mais, après tout, la terre est assez vaste.
“Oh,
I don’t know that,” responded Stuart, “but, after all, the world is big
enough.”
— Elle l’était autrefois...»,
dit à mi-voix Phileas Fogg.
“It
was once,” said Phileas Fogg, in a low tone.
«À vous de couper, monsieur», ajouta-t-il
en présentant les cartes à Thomas Flanagan.
“Cut,
sir,” he added, handing the cards to Thomas Flanagan.
La discussion fut suspendue
pendant le robre. Mais bientôt Andrew Stuart la reprenait, disant:
The
discussion was suspended during the hand. But Andrew Stuart soon resumed,
saying:
«Comment, autrefois! Est-ce
que la terre a diminué, par hasard?
“What
do you mean by ‘once’? Has the world grown smaller, by chance?”
— Sans doute, répondit
Gauthier Ralph. Je suis de l’avis de Mr. Fogg. La terre a diminué, puisqu’on la
parcourt maintenant dix fois plus vite qu’il y a cent ans. Et c’est ce qui,
dans le cas dont nous nous occupons, rendra les recherches plus rapides.
“Without
doubt,” replied Ralph. “I agree with Mr Fogg. The world has grown smaller,
since a person can now go round it ten times more quickly than a hundred years
ago. And with the case that concerns us, it will render the search that much
faster.”
— Et rendra plus facile aussi
la fuite du voleur!
“And
it will make the thief’s flight easier!”
— À vous de jouer, Monsieur
Stuart!»
“Your
turn to play, Mr Stuart!” said Phileas Fogg.
«Il faut avouer, Monsieur
Ralph, reprit-il, que vous avez trouvé là une manière plaisante de dire que la
terre a diminué! Ainsi parce qu’on en fait maintenant le tour en trois mois…
“I
must confess, Ralph,” he responded, “that you have found a quaint way to say
that the world has grown smaller! So, because one can now go round it in three
months…”
— En quatre-vingts jours
seulement, dit Phileas Fogg.
“In
just eighty days,” interrupted Phileas Fogg.
— En effet, messieurs, ajouta
John Sullivan, quatre-vingts jours, depuis que la section entre Rothal et
Allahabad a été ouverte sur le «Great-Indian peninsular railway...», et voici
le calcul établi par le Morning-Chronicle:
“Indeed,
gentlemen,” added John Sullivan; “eighty days, since the section between Rothal
and Allahabad was opened on the ‘Great Indian Peninsula Railway’; and here is
the estimate made by the Morning Chronicle:
De Londres à Suez par le
Mont-Cenis et Brindisi, railways et paquebots 7 jours
From
London to Suez via Mont Cenis and Brindisi, by rail and steamboats 7 days
De Suez à Bombay, paquebot 13
From
Suez to Bombay, by steamer 13
De Bombay à Calcutta, railway
3
From
Bombay to Calcutta, by rail 3
De Calcutta à Hong-Kong
(Chine), paquebot 13
From
Calcutta to Hong Kong, by steamer 13
De Hong-Kong à Yokohama
(Japon), paquebot 6
From
Hong Kong to Yokohama (Japan), by steamer 6
De Yokohama à San-Francisco,
paquebot 22
From
Yokohama to San Francisco, by steamer 22
De San-Francisco à New-York,
railroad 7
From
San Francisco to New York, by rail 7
De New-York à Londres,
paquebot et railway 9
From
New York to London, by steamer and rail 9
Total: 80 jours.
Total:
80 days.
— Oui, quatre-vingts jours!
s’écria Andrew Stuart, qui, par inattention, coupa une carte maîtresse, mais
non compris le mauvais temps, les vents contraires, les naufrages, les
déraillements, etc.
“Yes,
in eighty days!” exclaimed Stuart, who, through inattention, cut a trump card.
“But that doesn’t take into account bad weather, contrary winds, shipwrecks,
derailments, and so on.”
— Tout compris, répondit
Phileas Fogg en continuant de jouer, car, cette fois, la discussion ne
respectait plus le whist.
“All
included,” responded Phileas Fogg, continuing to play — though the discussion
was no longer about whist.
— Même si les Indous ou les
Indiens enlèvent les rails! s’écria Andrew Stuart, s’ils arrêtent les trains,
pillent les fourgons, scalpent les voyageurs!
“Even
if the Hindus or Indians pull up the rails!” cried Stuart. “Suppose they stop
the trains, pillage the luggage-vans, and scalp the travellers!”
— Tout compris, » répondit
Phileas Fogg, qui, abattant son jeu, ajouta : «Deux atouts maîtres.»
“All
included,” Fogg calmly retorted; who, as he threw down the cards, added, “Two
trumps.”
Andrew Stuart, à qui c’était
le tour de «faire», ramassa les cartes en disant: «Théoriquement, vous avez
raison, Monsieur Fogg, mais dans la pratique…
Stuart,
whose turn it was to deal, gathered up the cards, saying, “Theoretically, you
are right, Mr Fogg, but in practice…”
— Dans la pratique aussi,
Monsieur Stuart.
“Practically
also, Mr Stuart.”
— Je voudrais bien vous y
voir.
“I
would really like to see you do it.”
— Il ne tient qu’à vous.
Partons ensemble.
“It
depends on you. Shall we go together?”
— Le ciel m’en préserve!
s’écria Stuart, mais je parierais bien quatre mille livres qu’un tel voyage,
fait dans ces conditions, est impossible.
“May
heaven preserve me!” cried Stuart. “But I would wager four thousand pounds that
such a journey, made under these conditions, is impossible.”
— Très-possible, au contraire,
répondit Mr. Fogg.
“Quite
possible, on the contrary,” responded Mr Fogg.
— Et bien, faites-le donc!
“Well,
make it, then!”
— Le tour du monde en
quatre-vingts jours?
“The
journey round the world in eighty days?”
— Oui.
“Yes.”
— Je le veux bien.
“I
should like nothing better than to do it.”
— Quand?
“When?”
— Tout de suite.
“Right
away.”
— C’est de la folie! s’écria
Andrew Stuart, qui commençait à se vexer de l’insistance de son partenaire.
Tenez! jouons plutôt.
“It
is a folly!” cried Stuart, who was beginning to be annoyed at the persistency
of his friend. “Come, let’s get on with the game.”
— Refaites alors, répondit
Phileas Fogg, car il y a «mal donne.»
“Deal
over again, then,” said Phileas Fogg. “There’s a false deal.”
«Eh bien, oui, Monsieur Fogg,
dit-il, oui, je parie quatre mille livres!…
“Well
yes, Mr Fogg,” he said, “it shall be so: I will wager the four thousand on it.”
— Mon cher Stuart, dit
Fallentin, calmez-vous. Ce n’est pas sérieux.
“My
dear Stuart,” said Fallentin, “calm yourself down. It is only a joke.”
— Quand je dis: je parie,
répondit Andrew Stuart, c’est toujours sérieux.
“When
I say I will wager,” replied Stuart, “it is always serious.”
— Soit! dit Mr. Fogg. Puis, se
tournant vers ses collègues: «J’ai vingt mille livres déposées chez Baring
frères. Je les risquerai volontiers…
“So
be it,” said Mr Fogg; and, turning to the others, he continued: “I have a
deposit of twenty thousand at Baring’s which I will willingly risk upon it...”
— Vingt mille livres! s’écria
John Sullivan. Vingt mille livres qu’un retard imprévu peut vous faire perdre!
“Twenty
thousand pounds!” cried Sullivan. “Twenty thousand pounds, which you would lose
by a single unexpected delay!”
— L’imprévu n’existe pas, répondit
simplement Phileas Fogg.
“The
unforeseen does not exist,” Phileas Fogg replied simply.
— Mais, Monsieur Fogg, ce laps
de quatre-vingts jours n’est calculé que comme un minimum de temps!
“But,
Mr Fogg, the period of eighty days is only the estimate of the least possible
time.”
— Un minimum bien employé
suffit à tout.
“A
well-used minimum suffices for everything.”
— Mais pour ne pas le
dépasser, il faut sauter mathématiquement des railways dans les paquebots, et
des paquebots dans les chemins de fer!
“But,
in order not to exceed it, you must jump mathematically from the trains upon
the steamers, and from the steamers upon the trains again.”
— Je sauterai
mathématiquement.
“I
will jump… mathematically.”
— C’est une plaisanterie!
“This
is a joke!”
— Un bon Anglais ne plaisante
jamais, quand il s’agit d’une chose aussi sérieuse qu’un pari, répondit Phileas
Fogg.
“A
true Englishman doesn’t joke when it comes to such a serious thing as a wager,”
replied Phileas Fogg, solemnly.
Je parie vingt mille livres contre
qui voudra que je ferai le tour de la terre en quatre-vingts jours ou moins,
soit dix-neuf cent vingt heures ou cent quinze mille deux cents minutes.
Acceptez-vous?
“I
will bet twenty thousand pounds against anyone who wishes, that I will make the
tour of the world in eighty days or less; in nineteen hundred and twenty hours,
or a hundred and fifteen thousand two hundred minutes. Do you accept?”
— Nous acceptons, répondirent
MM. Stuart, Fallentin, Sullivan, Flanagan et Ralph, après s’être entendus.
“We
accept,” replied Stuart, Fallentin, Sullivan, Flanagan, and Ralph, after
consulting each other.
— Bien, dit Mr Fogg. Le train
de Douvres part à huit heures quarante-cinq. Je le prendrai.
“Good,”
said Mr Fogg. “The train for Dover leaves at eight forty-five. I will be taking
it.”
— Ce soir même? demanda
Stuart.
“This
very evening?” asked Stuart.
— Ce soir même, répondit
Phileas Fogg. Donc, ajouta-t-il en consultant un calendrier de poche, puisque
c’est aujourd’hui mercredi 2 octobre, je devrai être de retour à Londres, dans
ce salon même du Reform-Club, le samedi 21 décembre, à huit heures
quarante-cinq du soir, faute de quoi les vingt mille livres déposées
actuellement à mon crédit chez Baring frères vous appartiendront de fait et de
droit, messieurs. — Voici un chèque de pareille somme.»
“This
very evening,” replied Phileas Fogg. Then, in consulting a pocket calendar, he
added, “As today is Wednesday, the 2nd of October, I shall be due in London, in
this very room of the Reform Club, on Saturday the 21st of December, at eight
forty-five in the evening; or else the twenty thousand pounds now deposited in
my name at Baring’s will belong to you, in fact and by right, gentlemen. Here
is a cheque for the amount.”
On offrit à M. Fogg de suspendre le whist afin qu’il pût
faire ses préparatifs de départ.
The
offer was made to Mr Fogg to suspend whist so that he might make his
preparations for departure.
«Je suis toujours prêt!»
répondit cet impassible gentleman, et donnant les cartes: «Je retourne carreau,
dit-il. À vous de jouer, monsieur Stuart.»…
“I
am always ready,” was the gentleman’s tranquil response, and dealing out the
cards: “Diamonds are trumps,” he said. “It is your turn to play, Mr Stuart.”…
…«Passepartout.»
…“Passepartout!”
«Passepartout», reprit Mr. Fogg
sans élever la voix davantage.
“Passepartout!”
repeated Mr Fogg, without raising his voice.
«C’est la deuxième fois que je
vous appelle, dit Mr. Fogg.
“It
is the second time I have called you,” observed his master.
— Mais il n’est pas minuit,
répondit Passepartout, sa montre à la main.
“But
it is not midnight,” responded Passepartout, his watch in his hand.
— Je le sais, reprit Phileas
Fogg, et je ne vous fais pas de reproche. Nous partons dans dix minutes pour
Douvres et Calais.»
“I
know it,” replied Phileas Fogg, “and I don’t blame you. We depart in ten
minutes for Dover and Calais.”
«Monsieur se déplace?
demanda-t-il.
“Monsieur
is going somewhere?” he asked.
— Oui, répondit Phileas Fogg.
Nous allons faire le tour du monde.»
“Yes,”
replied Phileas Fogg. “We are going round the world.”
«Le tour du monde!
murmura-t-il.
“Round
the world!” he muttered.
— En quatre-vingts jours,
répondit Mr. Fogg. Ainsi, nous n’avons pas un instant à perdre.
“In
eighty days,” responded Mr Fogg. “So we haven’t a moment to lose.”
— Mais les malles?… dit
Passepartout, qui balançait inconsciemment sa tête de droite et de gauche.
“But
the trunks?” gasped Passepartout, who was unconsciously swaying his head from
right to left.
— Pas de malles. Un sac de
nuit seulement. Dedans, deux chemises de laine, trois paires de bas. Autant
pour vous. Nous achèterons en route. Vous descendrez mon mackintosh et ma
couverture de voyage. Ayez de bonnes chaussures. D’ailleurs, nous marcherons
peu ou pas. Allez.»
“No
trunks; an overnight bag only; inside, two woollen shirts and three pairs of
socks for me. The same for you. We will buy our clothes on the way. Bring down
my mackintosh and travelling-cloak. Get some stout shoes; though we will do
little to no walking. Make haste!”
«Ah bien, se dit-il, elle est
forte, celle-là! Moi qui voulais rester tranquille!»…
“Ah,
well,” he said to himself, “that is great, that is: me who wanted to remain
quiet!”…
…«Vous n’avez rien oublié?
demanda-t-il.
…“You
have forgotten nothing?” he asked.
— Rien, monsieur.
“Nothing,
monsieur.”
— Mon mackintosh et ma
couverture?
“My
mackintosh and my cloak?”
— Les voici.
“Here
they are.”
— Bien, prenez ce sac.»
“Good!
Take this bag;” handing it to Passepartout.
«Et ayez-en soin, ajouta-t-il.
Il y a vingt mille livres dedans.»
“Take
good care of it,” he added. “There are twenty thousand pounds in it.”
Le sac faillit s’échapper des
mains de Passepartout, comme si les vingt mille livres eussent été en or et
pesé considérablement.
The
bag nearly dropped from Passepartout’s hand, as if the twenty thousand pounds
were in gold, and weighed a lot.
Le maître et le domestique
descendirent alors, et la porte de la rue fut fermée à double tour.
Master
and servant then descended, and the door to the street was double-locked.
Une station de voitures se
trouvait à l’extrémité de Saville-row.
A
cab rank was at the end of Saville Row.
Phileas Fogg et son domestique
montèrent dans un cab, qui se dirigea rapidement vers la gare de Charing-Cross.
Phileas
Fogg and his servant jumped into a cab, which drove rapidly to Charing Cross
station.
A huit heures vingt, le cab
s’arrêta devant la grille de la gare.
At
twenty minutes past eight, the cab stopped in front of the railway station.
Passepartout sauta à terre.
Son maître le suivit et paya le cocher.
Passepartout
jumped to the ground. His master paid the driver and followed him.
En ce moment, une pauvre
mendiante, tenant un enfant à la main, pieds nus dans la boue, coiffée d’un
chapeau dépenaillé auquel pendait une plume lamentable, un châle en loques sur
ses haillons, s’approcha de Mr. Fogg et lui demanda l’aumône.
At
that moment, a poor beggar-woman, holding a child by the hand, barefoot in the
mud, wearing a tattered hat on which hung a dismal feather, with a tattered
shawl over her rags, approached Mr Fogg and asked him for alms.
Mr. Fogg tira de sa poche les
vingt guinées qu’il venait de gagner au whist, et, les présentant à la
mendiante: «Tenez, ma brave femme, dit-il, je suis content de vous avoir
rencontrée!» Puis il passa.
Mr.
Fogg took out the twenty guineas he had just won at whist, and handed them to
the beggar, saying, “Here, my good woman. I am glad that I met you;” and passed
on.
Mr. Fogg et lui entrèrent
aussitôt dans la grande salle de la gare.
Mr.
Fogg and he immediately entered the great hall of the station.
Là, Phileas Fogg donna à
Passepartout l’ordre de prendre deux billets de première classe pour Paris.
There
Phileas Fogg gave Passepartout the order to purchase two first-class tickets
for Paris.
Puis, se retournant, il
aperçut ses cinq collègues du Reform-Club.
Then,
turning around, he saw his five friends from the Reform Club.
«Messieurs, je pars, dit-il,
et les divers visas apposés sur un passeport que j’emporte à cet effet vous
permettront, au retour, de contrôler mon itinéraire.
“Well,
gentlemen, I am off,” he said, “and the various visas affixed to the passport —
that I will be carrying for this purpose — will permit you to verify my
itinerary.”
— Oh! monsieur Fogg, répondit
poliment Gauthier Ralph, c’est inutile. Nous nous en rapporterons à votre
honneur de gentleman!
“Oh,
Mr Fogg,” said Ralph politely, “that would be quite unnecessary. We will take
your word, as a gentleman of honour!”
— Cela vaut mieux ainsi, dit
Mr. Fogg.
“It
is better like this,” said Mr Fogg.
— Vous n’oubliez pas que vous
devez être revenu?… fit observer Andrew Stuart.
“You
do not forget when you are due back?” asked Stuart.
— Dans quatre-vingts jours,
répondit Mr. Fogg, le samedi 21 décembre 1872, à huit heures quarante-cinq
minutes du soir. Au revoir, messieurs.»…
“In
eighty days,” responded Mr Fogg, “on Saturday the 21st of December, 1872, at
eight forty-five in the evening. Good-bye, gentlemen.”…
…Mais le train n’avait pas
dépassé Sydenham, que Passepartout poussait un véritable cri de désespoir !
…Just
as the train was passing through Sydenham, Passepartout suddenly uttered a cry
of despair.
«Qu’avez-vous? demanda Mr.
Fogg.
“What
is the matter?” asked Mr Fogg.
— Il y a… que… dans ma précipitation…
mon trouble… j’ai oublié…
“It
is… that… in my hurry… my excitement… I have forgotten…”
— Quoi?
“What?”
— D’éteindre le bec de gaz de
ma chambre!
“To
turn off the gas in my room!”
— Eh bien, mon garçon,
répondit froidement Mr. Fogg, il brûle à votre compte!»…
“Very
well, young man,” replied Mr Fogg, coolly; “it will burn at your expense.”…
…En attendant l’arrivée du
Mongolia, deux hommes se promenaient sur le quai au milieu de la foule
d’indigènes et d’étrangers qui affluent dans cette ville, naguère une bourgade,
à laquelle la grande oeuvre de M. de Lesseps assure un avenir considérable.
…Awaiting
the arrival of the Mongolia were two men, who were promenading up and down the
wharves, among the crowd of locals and strangers who were sojourning at this
town: once a village, and now, thanks to the great work of Mr Lesseps, assured
of a promising future.
De ces deux hommes, l’un était
l’agent consulaire du Royaume-Uni, établi à Suez.
Of
these two men, one was the British consul based in Suez.
L’autre était un petit homme
maigre, de figure assez intelligente, nerveux, qui contractait avec une
persistance remarquable ses muscles sourciliers.
The
other was a small thin man, with a nervous, intelligent face, which made his
eyebrows twitch with a remarkable persistence.
En ce moment, il donnait
certaines marques d’impatience, allant, venant, ne pouvant tenir en place.
He
was just now manifesting unmistakable signs of impatience, pacing up and down,
and unable to stand still.
Cet homme se nommait Fix, et
c’était un de ces «détectives» ou agents de police anglais, qui avaient été
envoyés dans les divers ports, après le vol commis à la Banque d’Angleterre.
This
man was called Fix, and he was one of the ‘detectives’ or police agents, who
had been sent to the various ports, after the robbery committed at the Bank of
England.
«Et vous dites, monsieur le
consul, demanda-t-il pour la dixième fois, que ce bateau ne peut tarder?
“So
you say, consul,” he asked for the twentieth time, “that this steamer is never
late?”
— Non, monsieur Fix, répondit
le consul. Il a été signalé hier au large de Port-Saïd, et les cent soixante
kilomètres du canal ne comptent pas pour un tel marcheur.
“No,
Mr Fix,” replied the consul. “She was reported to be off Port Saïd yesterday,
and the one hundred and sixty kilometres of the canal is if no account for such
a craft.
Je vous répète que le Mongolia
a toujours gagné la prime de vingt-cinq livres que le gouvernement accorde pour
chaque avance de vingt-quatre heures sur les temps réglementaires.
I
repeat to you that the Mongolia has always gained the daily reward of
twenty-five pounds that the government affords for being ahead of the scheduled
time.”
— Ce paquebot vient
directement de Brindisi? demanda Fix.
“Does
the steamer come directly from Brindisi?” inquired Fix.
— De Brindisi même, où il a
pris la malle des Indes, de Brindisi qu’il a quitté samedi à cinq heures du
soir. Ainsi ayez patience, il ne peut tarder à arriver.
“Directly
from Brindisi; where she takes on the Indian mail, and she left Brindisi on
Saturday at five in the afternoon. Thus, have patience, Mr Fix; she will not be
late.
Mais je ne sais vraiment pas
comment, avec le signalement que vous avez reçu, vous pourrez reconnaître votre
homme, s’il est à bord du Mongolia.
But
really, I don’t see how, from the description you have received, you will be
able to recognise your man, even if he is on board the Mongolia.”
— Monsieur le consul, répondit
Fix, ces gens-là, on les sent plutôt qu’on ne les reconnaît. C’est du flair
qu’il faut avoir, et le flair est comme un sens spécial auquel concourent
l’ouïe, la vue et l’odorat.
“My
dear consul,” responded Fix, “these gentlemen, a man rather feels rather than
recognises them. You must have a certain talent for sensing them, and this feel
for it is like a sixth sense, which combines hearing, seeing, and smelling.
J’ai arrêté dans ma vie plus
d’un de ces gentlemen, et pourvu que mon voleur soit à bord, je vous réponds
qu’il ne me glissera pas entre les mains.
I
have arrested more than one of these gentlemen in my time, and, if my thief is
on board, I say to you that he will not slip through my fingers.”
— Je le souhaite, monsieur
Fix, car il s’agit d’un vol important.
“I
hope so, Mr Fix, for it was a major robbery.”
— Un vol magnifique, répondit
l’agent enthousiasmé. Cinquante-cinq mille livres! Nous n’avons pas souvent de
pareilles aubaines! Les voleurs deviennent mesquins!
“A
magnificent robbery,” responded the enthusiastic agent. “Fifty-five thousand
pounds! We don’t often have such windfalls. Thieves are becoming so petty
nowadays!”
— Monsieur Fix, répondit le
consul, vous parlez d’une telle façon que je vous souhaite vivement de réussir;
mais, je vous le répète, dans les conditions où vous êtes, je crains que ce ne
soit difficile.
“Mr
Fix,” responded the consul, “you speak in such a way that I really wish you
succeed; but, I repeat, in the circumstances you find yourself, I fear that it
will be far from easy.
Savez-vous bien que, d’après
le signalement que vous avez reçu, ce voleur ressemble absolument à un honnête
homme.
You
well know that with the description you have received, this thief looks
distinctly like an honest man.”
— Monsieur le consul, répondit
dogmatiquement l’inspecteur de police, les grands voleurs ressemblent toujours
à d’honnêtes gens. Vous comprenez bien que ceux qui ont des figures de coquins
n’ont qu’un parti à prendre, c’est de rester probes, sans cela ils se feraient
arrêter.
“Consul,”
remarked the police inspector dogmatically, “great robbers always resemble
honest folks. You understand full well that those who have the face of a rascal
have only one course to take, and that is to remain honest, otherwise they
would be arrested.
Les physionomies honnêtes, ce
sont celles-là qu’il faut dévisager surtout. Travail difficile, j’en conviens,
et qui n’est plus du métier, mais de l’art.»
The
honest faces, these are the ones we must see through. Difficult work, I do
agree, and is more like an art than a profession.”
«Mais il n’arrivera pas, ce
paquebot! s’écria-t-il en entendant sonner l’horloge du port.
“But
it will not come, this steamer!” he exclaimed, in hearing the port clock ring
out.
— Il ne peut être éloigné,
répondit le consul.
“She
can’t be far off now,” replied the consul.
— Combien de temps
stationnera-t-il à Suez? demanda Fix.
“How
long will she remain at Suez?” demanded Fix.
— Quatre heures. Le temps
d’embarquer son charbon. De Suez à Aden, à l’extrémité de la mer Rouge, on
compte treize cent dix milles, et il faut faire provision de combustible.
“Four
hours; long enough to get in her coal. It is thirteen hundred and ten miles
from Suez to Aden, at the other end of the Red Sea, and she has to take in a
fresh supply of coal.”
— Et de Suez, ce bateau va
directement à Bombay? demanda Fix.
“And
does the boat go directly from Suez to Bombay?” inquired Fix.
— Directement, sans rompre
charge.
“Directly,
without break.”
— Eh bien, dit Fix, si le
voleur a pris cette route et ce bateau, il doit entrer dans son plan de
débarquer à Suez, afin de gagner par une autre voie les possessions
hollandaises ou françaises de l’Asie. Il doit bien savoir qu’il ne serait pas
en sûreté dans l’Inde, qui est une terre anglaise.
“Good!”
said Fix. “If the robber has taken this route and this boat, disembarking at
Suez will no doubt factor in his plan, the goal being to reach the Dutch or
French colonies in Asia by some other route. He ought to know that he would not
be safe in India, which is English soil.”
— À moins que ce ne soit un
homme très-fort, répondit le consul. Vous le savez, un criminel anglais est
toujours mieux caché à Londres qu’il ne le serait à l’étranger.»
“Unless
he is not a particularly shrewd chap,” responded the consul. “You full well
know that an English criminal is always better concealed in London than he
would be abroad.”
…De vifs coups de sifflet
annoncèrent l’arrivée du paquebot…
…An
intense whistle announced the arrival of the steamer…
«Ce passeport n’est pas le
vôtre? dit-il au passager.
“Is
this your passport?” he said to the passenger.
— Non, répondit celui-ci,
c’est le passeport de mon maître.
“No,”
the other responded, “it is my master’s passport.”
— Et votre maître?
“And
your master is…”
— Il est resté à bord.
“He
stayed on board.”
— Mais, reprit l’agent, il
faut qu’il se présente en personne aux bureaux du consulat afin d’établir son
identité.
“But,”
replied the agent, “he must present himself in person at the consulate, so as
to establish his identity.”
— Quoi, cela est nécessaire?
“What!
Is that necessary?”
— Indispensable.
“Quite
indispensable.”
— Et où sont ces bureaux?
“And
where is the consulate?”
— Là, au coin de la place,
répondit l’inspecteur en indiquant une maison éloignée de deux cents pas.
“There,
on the corner of the square,” replied the inspector, pointing to a house some
two hundred paces away.
— Alors, je vais aller
chercher mon maître, à qui pourtant cela ne plaira guère de se déranger!»
“Well
then, I will go and fetch my master, who won’t be much pleased, however, to be
disturbed.”
Là-dessus, le passager salua
Fix et retourna à bord du steamer.
With
that, the passenger bowed to Fix, and returned to the steamer.
L’inspecteur redescendit sur
le quai et se dirigea rapidement vers les bureaux du consul.
The
detective passed down the quay, and rapidly made his way to the consul’s
office.
«Monsieur le consul, lui
dit-il sans autre préambule, j’ai de fortes présomptions de croire que notre
homme a pris passage à bord du Mongolia.»
“Consul,”
he said, without any other preamble, “I have strong reasons for believing that
our man has made passage on board the Mongolia.”
Et Fix raconta ce qui s’était
passé entre ce domestique et lui à propos du passeport.
And
Fix narrated what had just passed between the servant and him concerning the
passport.
«Bien, monsieur Fix, répondit
le consul, je ne serais pas fâché de voir la figure de ce coquin. Mais
peut-être ne se présentera-t-il pas à mon bureau, s’il est ce que vous
supposez.
“Well,
Mr Fix,” replied the consul, “I shall not be sorry to see the rascal’s face;
but perhaps he won’t present himself at my office; that is, if he is the person
you suppose him to be.
Un voleur n’aime pas à laisser
derrière lui des traces de son passage, et d’ailleurs la formalité des
passeports n’est plus obligatoire.
A
robber doesn’t quite like to leave traces of his flight behind him; and,
besides, he is not obliged to have his passport stamped.”
— Monsieur le consul, répondit
l’agent, si c’est un homme fort comme on doit le penser, il viendra!
“Consul,”
responded the agent, “if he is as shrewd a man as I think he is, he will come!”
— Faire viser son passeport?
“To
get a visa in his passport?”
— Oui. Les passeports ne
servent jamais qu’à gêner les honnêtes gens et à favoriser la fuite des
coquins. Je vous affirme que celui-ci sera en règle, mais j’espère bien que
vous ne le viserez pas.
“Yes.
Passports are only good for annoying honest folks, and aiding in the flight of
rogues. I assure you it will be quite the thing for him to do; but I hope you
will not visa the passport.”
— Et pourquoi pas? Si ce
passeport est régulier, répondit le consul, je n’ai pas le droit de refuser mon
visa.
“Why
not? If the passport is genuine, I have no right to refuse the visa.”
— Cependant, monsieur le
consul, il faut bien que je retienne ici cet homme jusqu’à ce que j’aie reçu de
Londres un mandat d’arrestation.
“Still,
Consul, I must keep this man here until I can get an arrest warrant from
London.”
— Ah! cela, monsieur Fix,
c’est votre affaire, répondit le consul, mais moi, je ne puis…»
“Ah,
that, Mr Fix, is your affair,” responded the Consul, “but as for me, I cannot…”
Le consul n’acheva pas sa
phrase. En ce moment, on frappait à la porte de son cabinet, et le garçon de
bureau introduisit deux étrangers, dont l’un était précisément ce domestique
qui s’était entretenu avec le détective.
The
consul did not finish his sentence. At that moment, there was a knock at the
door, and the clerk introduced two foreigners, one being the very servant who
had met the detective.
C’étaient, en effet, le maître
et le serviteur. Le maître présenta son passeport.
It
was, in effect, master and servant. The master presented his passport.
Quand le consul eut achevé sa
lecture:
When
the consul had finished reading it:
«Vous êtes Phileas Fogg,
esquire? demanda-t-il.
“You
are Mr Phileas Fogg?” he asked.
— Oui, monsieur, répondit le
gentleman.
“I
am, sir,” responded the gentleman.
— Et cet homme est votre
domestique?
“And
this man is your servant?”
— Oui. Un Français nommé
Passepartout.
“Yes
he is: a Frenchman, named Passepartout.”
— Vous venez de Londres?
“You
come from London?”
— Oui.
“Yes.”
— Et vous allez?
“And
you are going to…”
— À Bombay.
“To
Bombay.”
— Bien, monsieur. Vous savez
que cette formalité du visa est inutile, et que nous n’exigeons plus la
présentation du passeport?
“Very
good, sir. You know that this formality of a visa is quite useless, and that we
no longer require a passport to be presented?”
— Je le sais, monsieur,
répondit Phileas Fogg, mais je désire constater par votre visa mon passage à
Suez.
“I
know it, sir,” replied Phileas Fogg; “but I wish to prove my passage to Suez by
your visa.”
— Soit, monsieur.»
“Very
well, sir.”
Et le consul, ayant signé et
daté le passeport, y apposa son cachet.
The
consul proceeded to sign and date the passport, and then added his official
seal.
Mr. Fogg acquitta les droits
de visa, et, après avoir froidement salué, il sortit, suivi de son domestique.
Mr
Fogg paid the customary fee, and after having bowed coldly, he exited, followed
by his servant.
«Eh bien? demanda
l’inspecteur.
“Well?”
queried the inspector.
— Eh bien, répondit le consul,
il a l’air d’un parfait honnête homme!
“Well,”
replied the consul, “he has the air of a perfectly honest man!”
— Possible, répondit Fix, mais
ce n’est point ce dont il s’agit. Trouvez-vous, monsieur le consul, que ce
flegmatique gentleman ressemble trait pour trait au voleur dont j’ai reçu le
signalement?
“Possibly,”
responded Fix, “but that is not the matter at hand. Do you think, consul, that
this phlegmatic gentleman resembles, feature by feature, the robber whose
description I have received?”
— J’en conviens, mais vous le
savez, tous les signalements…
“I
concede that; but then, you know, all descriptions…”
— J’en aurai le cœur net,
répondit Fix. Le domestique me paraît être moins indéchiffrable que le maître.
De plus, c’est un Français, qui ne pourra se retenir de parler. À bientôt,
monsieur le consul.»
“I
will make certain of it,” interrupted Fix. “The servant seems to me less
mysterious than the master. Besides, he is a Frenchman, and cannot refrain from
talking. See you in a little while, consul.”
Cela dit, l’agent sortit et se
mit à la recherche de Passepartout.
That
said, the agent started off in search of Passepartout.
Cependant Mr. Fogg, en
quittant la maison consulaire, s’était dirigé vers le quai. Là, il donna
quelques ordres à son domestique; puis il s’embarqua dans un canot, revint à
bord du Mongolia et rentra dans sa cabine. Il prit alors son carnet, qui
portait les notes suivantes:
Meanwhile,
Mr Fogg, after leaving the consulate, headed to the quay. There, he gave some
orders to his servant; then he climbed into a dinghy, returned to the Mongolia,
and went back to his cabin. He took up his note-book, which contained the
following notes:
«Quitté Londres, mercredi 2
octobre, 8 heures 45 soir.
“Departed
London, Wednesday, October 2nd, at 8.45 p.m.
«Arrivé à Paris, jeudi 3
octobre, 7 heures 20 matin.
Arrived
in Paris, Thursday, October 3rd, at 7.20 a.m.
«Quitté Paris, jeudi, 8 heures
40 matin.
Left
Paris, Thursday, at 8.40 a.m.
«Arrivé par le Mont-Cenis à
Turin, vendredi 4 octobre, 6 heures 35 matin.
Reached
Turin by Mont Cenis, Friday, October 4th, at 6.35 a.m.
«Quitté Turin, vendredi, 7
heures 20 matin.
Left
Turin, Friday, at 7.20 a.m.
«Arrivé à Brindisi, samedi 5
octobre, 4 heures soir.
Arrived
at Brindisi, Saturday, October 5th, at 4 p.m.
«Embarqué sur le Mongolia,
samedi, 5 heures soir.
Embarked
on the Mongolia, Saturday, at 5 p.m.
«Arrivé à Suez, mercredi 9
octobre, 11 heures matin.
Reached
Suez, Wednesday, October 9th, at 11 a.m.
«Total des heures dépensées:
158 1/2, soit en jours: 6 jours 1/2.»
Total
of hours spent, 158 1/2; or, in days, six days and a half.”
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