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Nik Marcel (2Language Books)

Wednesday, 24 October 2018

Around the World in 80 Days (French to English)


Around the World in 80 Days
Le Tour du monde en 80 jours
(French to English)
Author: Jules Verne
Translator: George M. Towle
Translator/Editor: Nik Marcel 2014
English translated from French.
Copyright © 2018 Nik Marcel
All rights reserved.
A Bilingual (Dual-Language) Project
2Language Books

Le Tour du monde en 80 jours

Around the World in 80 Days

Chapitre 1

Chapter 1
En l’année 1872, la maison portant le numéro 7 de Saville-row, Burlington Gardens — maison dans laquelle Sheridan mourut en 1814 — était habitée par Phileas Fogg, esq., l’un des membres les plus singuliers et les plus remarqués du Reform-Club de Londres, bien qu’il semblât prendre à tâche de ne rien faire qui pût attirer l’attention.
In the year of 1872, the house bearing the number 7, in Saville-row, Burlington Gardens — the house in which Sheridan died in 1814 — was inhabited by Phileas Fogg, esquire, one of the most eccentric and notable members of the Reform-Club of London, although he seemed to make an effort to not do anything that might attract attention.
Anglais, à coup sûr, Phileas Fogg n’était peut-être pas Londonner.
Though undoubtedly English, Phileas Fogg was perhaps not a Londoner.
On ne l’avait jamais vu ni à la Bourse, ni à la Banque, ni dans aucun des comptoirs de la Cité.
No one had ever seen him at the Stock Exchange, nor at the Bank, and nor in the commercial offices of the city.
Ni les bassins ni les docks de Londres n’avaient jamais reçu un navire ayant pour armateur Phileas Fogg.
Neither the bay nor the docks of London had ever received a ship having Phileas Fogg as an owner.
Ce gentleman ne figurait dans aucun comité d’administration.
This gentleman was not on any board of directors.
Phileas Fogg était membre du Reform-Club, et voilà tout.
Phileas Fogg was a member of the Reform club, and that was all.
Il parlait aussi peu que possible, et semblait d’autant plus mystérieux qu’il était silencieux.
He spoke as little as possible, and seemed far more mysterious because he was so silent.
Avait-il voyagé? C’était probable, car personne ne possédait mieux que lui la carte du monde. Il n’était endroit si reculé dont il ne parût avoir une connaissance spéciale.
Had he travelled? It was likely, for no one possessed more knowledge than he did about the map of the world; there was no place so secluded that he could not at least appear to have a special knowledge about it.
C’était un homme qui avait dû voyager partout, — en esprit, tout au moins.
He was a man who must have travelled all over — in spirit at least.
Ce qui était certain toutefois, c’est que, depuis de longues années, Phileas Fogg n’avait pas quitté Londres.
Nevertheless, it was certain that, since many years, Phileas Fogg had not left London.
Ceux qui avaient l’honneur de le connaître un peu plus que les autres attestaient que — si ce n’est sur ce chemin direct qu’il parcourait chaque jour pour venir de sa maison au club — personne ne pouvait prétendre l’avoir jamais vu ailleurs.
Those who had the honour of knowing him a little more than the rest attested that — if not on the direct path travelled each day to go from his house to the club — nobody could pretend to have ever seen him anywhere else.
Son seul passe-temps était de lire les journaux et de jouer au whist.
His sole pastimes were reading the papers and playing whist.
On ne connaissait à Phileas Fogg ni femme ni enfants, — ce qui peut arriver aux gens les plus honnêtes, — ni parents ni amis, — ce qui est plus rare en vérité.
Phileas Fogg was not known to have either wife or children — which can happen to the most honest people. Neither was he known to have family or friends — which, in truth, is certainly more rare.
Phileas Fogg vivait seul dans sa maison de Saville-row, où personne ne pénétrait.
He lived alone in his house in Saville-row, where no person ever infiltrated.
De son intérieur, jamais il n’était question. Un seul domestique suffisait à le servir.
As to its interior, it has always remained unanswered. A single domestic was sufficient to serve him.
Ce jour-là même, 2 octobre, Phileas Fogg avait donné son congé à James Forster — ce garçon s’étant rendu coupable de lui avoir apporté pour sa barbe de l’eau à quatre-vingt-quatre degrés Fahrenheit au lieu de quatre-vingt-six —, et il attendait son successeur, qui devait se présenter entre onze heures et onze heures et demie.
On this very day, the 2nd of October, Phileas Fogg had given notice to James Forster — the young man was rendered culpable for having brought him shaving water at eighty-four degrees Fahrenheit instead of eighty-six — and he was awaiting his successor, who was to present himself between eleven and half-past.
A onze heures et demie sonnant, Mr. Fogg devait, suivant sa quotidienne habitude, quitter la maison et se rendre au Reform-Club.
At eleven-thirty sharp, Mr. Fogg would, according to his daily habit, leave the house, and set off to the Reform-Club.
En ce moment, on frappa à la porte du petit salon dans lequel se tenait Phileas Fogg.
At this moment, a rap sounded on the door of the small room where Phileas Fogg was sitting.
James Forster, le congédié, apparut.
James Forster, the dismissed servant, appeared.
«Le nouveau domestique...» dit-il.
“The new servant,” he said.
Un garçon âgé d’une trentaine d’années se montra et salua.
A young man of around thirty years in age came forward and bowed.
«Vous êtes Français et vous vous nommez John? lui demanda Phileas Fogg.
“You are French, and your name is John?” asked Phileas Fogg.
— Jean, n’en déplaise à monsieur, répondit le nouveau venu, Jean Passepartout, un surnom qui m’est resté, et que justifiait mon aptitude naturelle à me tirer d’affaire.
“Jean, if monsieur pleases,” replied the newcomer, “Jean Passepartout, a surname which has clung to me because I have a natural aptitude for taking to different occupations.
Je crois être un honnête garçon, monsieur, mais, pour être franc, j’ai fait plusieurs métiers.
I believe I am an honest man, monsieur, but, to be frank, I have had several trades.
J’ai été chanteur ambulant, écuyer dans un cirque, faisant de la voltige comme Léotard, et dansant sur la corde comme Blondin;
I have been an itinerant singer; a horseman in a circus — performing aerobatics like Leotard, and dancing on a rope like Blondin;
puis je suis devenu professeur de gymnastique, afin de rendre mes talents plus utiles, et, en dernier lieu, j’étais sergent de pompiers, à Paris.
then I became a professor of gymnastics, so as to make better use of my talents; and most recently, I was a fireman sergeant in Paris.
J’ai même dans mon dossier des incendies remarquables.
I have, on my résumé, the most remarkable fires.
Mais voilà cinq ans que j’ai quitté la France et que, voulant goûter de la vie de famille, je suis valet de chambre en Angleterre.
But it has been five years since I quit France, and, wanting to get a taste of domestic life, I became a (male) servant here in England.
Or, me trouvant sans place et ayant appris que Monsieur Phileas Fogg était l’homme le plus exact et le plus sédentaire du Royaume-Uni, je me suis présenté chez monsieur avec l’espérance d’y vivre tranquille et d’oublier jusqu’à ce nom de Passepartout…»
Now, finding myself without residence, and upon learning that Monsieur Phileas Fogg was the most exact and the most settled gentleman in the United Kingdom, I have presented myself at your place in the hope of living a tranquil life, and forgetting even the name of Passepartout.”
— Passepartout me convient, répondit le gentleman. Vous m’êtes recommandé. J’ai de bons renseignements sur votre compte. Vous connaissez mes conditions?
“Passepartout suits me,” responded Mr. Fogg. “You come well recommended to me; I have had good reports about you. You know my conditions?”
— Oui, monsieur.
“Yes, monsieur.”
— Bien. Quelle heure avez-vous?
“Good! What time is it?”
— Onze heures vingt-deux, répondit Passepartout, en tirant des profondeurs de son gousset une énorme montre d’argent.
“Twenty-two minutes after eleven,” replied Passepartout, drawing an enormous silver watch from the depths of his pocket.
— Vous retardez, dit Mr. Fogg.
“You are too slow,” said Mr Fogg.
— Que monsieur me pardonne, mais c’est impossible.
“Pardon me, monsieur, but that is impossible.”
— Vous retardez de quatre minutes. N’importe. Il suffit de constater l’écart. Donc, à partir de ce moment, onze heures vingt-neuf du matin, ce mercredi 2 octobre 1872, vous êtes à mon service.»
“You are slow by four minutes. No matter; it is enough to note the difference. So, from this moment, twenty-nine minutes after eleven in the morning, this Wednesday, October 2nd, 1872, you are in my service.”
Cela dit, Phileas Fogg se leva, prit son chapeau de la main gauche, le plaça sur sa tête avec un mouvement d’automate et disparut sans ajouter une parole.
That said, Phileas Fogg got up, took his hat in his left hand, put it on his head with an automatic motion, and disappeared without adding a word.
Passepartout entendit la porte de la rue se fermer une première fois : c’était son nouveau maître qui sortait ; puis une seconde fois : c’était son prédécesseur, James Forster, qui s’en allait à son tour.
Passepartout heard the door to the street shut one time — it was his new master departing. He heard it shut again — it was his predecessor, James Forster, who was in his turn leaving.
Passepartout demeura seul dans la maison de Saville-row.
Passepartout remained alone in the house in Saville-row.
«Sur ma foi, se dit Passepartout, un peu ahuri tout d’abord, j’ai connu chez Mme Tussaud des bonshommes aussi vivants que mon nouveau maître!»
“Faith,” muttered Passepartout, a little stunned at first, “I have seen folk at Madame Tussaud’s as lively as my new master!”
«Cela me va, cela me va!» se dit Passepartout.
“That suits me fine; that will do!” said Passepartout to himself.
«Cela me va! voilà mon affaire! Nous nous entendrons parfaitement, Mr. Fogg et moi! Un homme casanier et régulier! Une véritable mécanique! Eh bien, je ne suis pas fâché de servir une mécanique!»
“This suits me! This is my calling! We shall get on together perfectly, Mr. Fogg and me! What a domestic and regular gentleman! A veritable machine! Well, I do not mind serving a machine.”
Phileas Fogg avait quitté sa maison de Saville-row à onze heures et demie, et, après avoir placé cinq cent soixante-quinze fois son pied droit devant son pied gauche et cinq cent soixante-seize fois son pied gauche devant son pied droit, il arriva au Reform-Club, vaste édifice, élevé dans Pall-Mall, qui n’a pas coûté moins de trois millions à bâtir.
Phileas Fogg, having shut the door of his house at half-past eleven, and having put his right foot before his left five hundred and seventy-five times, and his left foot before his right five hundred and seventy-six times, reached the Reform Club, an imposing edifice in Pall Mall, which could not have cost less than three million to build.
Une demi-heure plus tard, divers membres du Reform-Club faisaient leur entrée et s’approchaient de la cheminée, où brûlait un feu de houille.
Half an hour later, various members of the Reform club made their entrance, and approached the fireplace, where burned a coal fire.
C’étaient les partenaires habituels de Mr. Phileas Fogg, comme lui enragés joueurs de whist : l’ingénieur Andrew Stuart, les banquiers John Sullivan et Samuel Fallentin, le brasseur Thomas Flanagan, Gauthier Ralph, un des administrateurs de la Banque d’Angleterre, — personnages riches et considérés, même dans ce club qui compte parmi ses membres les sommités de l’industrie et de la finance.
They were Mr. Fogg’s usual partners — like him, they were mad keen players at whist: Andrew Stuart, an engineer; John Sullivan and Samuel Fallentin, bankers; Thomas Flanagan, a brewer; and Gauthier Ralph, one of the Directors of the Bank of England — all rich and highly respectable persons, even in a club that comprises the luminaries of industry and finance.
«Eh bien, Ralph, demanda Thomas Flanagan, où en est cette affaire de vol?
“Well, Ralph,” demanded Thomas Flanagan, “what about that robbery?”
— Eh bien, répondit Andrew Stuart, la banque en sera pour son argent.
“Oh, well,” replied Stuart, “the Bank will lose the money.”
— J’espère, au contraire, dit Gauthier Ralph, que nous mettrons la main sur l’auteur du vol. Des inspecteurs de police, gens fort habiles, ont été envoyés en Amérique et en Europe, dans tous les principaux ports d’embarquement et de débarquement, et il sera difficile à ce monsieur de leur échapper.
“On the contrary,” broke in Ralph, “I hope we can get our hands on the robber. Detectives — very able folk — have been sent to America and Europe: to all the principal ports where one can embark and disembark; and it will be difficult for this fellow to avoid them.”
— Mais on a donc le signalement du voleur? demanda Andrew Stuart.
“But have you got the robber’s description?” asked Stuart.
— D’abord, ce n’est pas un voleur, répondit sérieusement Gauthier Ralph.
“In the first place, he is no robber at all,” replied Ralph, seriously.
— Comment, ce n’est pas un voleur, cet individu qui a soustrait cinquante-cinq mille livres en bank-notes?
“What! He is not a thief; this individual who makes off with fifty-five thousand pounds in bank-notes?”
— Non, répondit Gauthier Ralph.
“No,” responded Ralph.
— C’est donc un industriel? dit John Sullivan.
“Perhaps he is an industrialist then?” inquired Sullivan.
— Le Morning-Chronicle assure que c’est un gentleman.»
“The Morning-Chronicle says that he is a gentleman.”
Celui qui fit cette réponse n’était autre que Phileas Fogg, dont la tête émergeait alors du flot de papier amassé autour de lui. En même temps, Phileas Fogg salua ses collègues, qui lui rendirent son salut.
It was none other than Phileas Fogg who made this remark, his head emerging from behind the mass of newspapers around him. At the same time, he bowed to his friends, who in turn acknowledged his salute.
«Je soutiens, dit Andrew Stuart, que les chances sont en faveur du voleur, qui ne peut manquer d’être un habile homme!
“I maintain,” said Stuart, “that the chances are in favour of the thief, who is undoubtedly a shrewd fellow!”
— Allons donc! répondit Ralph, il n’y a plus un seul pays dans lequel il puisse se réfugier.
“Come on!” returned Ralph. “There is not a single country in which he can take refuge.”
— Par exemple!
“For example!”
— Où voulez-vous qu’il aille?
“Where could he go, then?”
— Je n’en sais rien, répondit Andrew Stuart, mais, après tout, la terre est assez vaste.
“Oh, I don’t know that,” responded Stuart, “but, after all, the world is big enough.”
— Elle l’était autrefois...», dit à mi-voix Phileas Fogg.
“It was once,” said Phileas Fogg, in a low tone.
«À vous de couper, monsieur», ajouta-t-il en présentant les cartes à Thomas Flanagan.
“Cut, sir,” he added, handing the cards to Thomas Flanagan.
La discussion fut suspendue pendant le robre. Mais bientôt Andrew Stuart la reprenait, disant:
The discussion was suspended during the hand. But Andrew Stuart soon resumed, saying:
«Comment, autrefois! Est-ce que la terre a diminué, par hasard?
“What do you mean by ‘once’? Has the world grown smaller, by chance?”
— Sans doute, répondit Gauthier Ralph. Je suis de l’avis de Mr. Fogg. La terre a diminué, puisqu’on la parcourt maintenant dix fois plus vite qu’il y a cent ans. Et c’est ce qui, dans le cas dont nous nous occupons, rendra les recherches plus rapides.
“Without doubt,” replied Ralph. “I agree with Mr Fogg. The world has grown smaller, since a person can now go round it ten times more quickly than a hundred years ago. And with the case that concerns us, it will render the search that much faster.”
— Et rendra plus facile aussi la fuite du voleur!
“And it will make the thief’s flight easier!”
— À vous de jouer, Monsieur Stuart!»
“Your turn to play, Mr Stuart!” said Phileas Fogg.
«Il faut avouer, Monsieur Ralph, reprit-il, que vous avez trouvé là une manière plaisante de dire que la terre a diminué! Ainsi parce qu’on en fait maintenant le tour en trois mois…
“I must confess, Ralph,” he responded, “that you have found a quaint way to say that the world has grown smaller! So, because one can now go round it in three months…”
— En quatre-vingts jours seulement, dit Phileas Fogg.
“In just eighty days,” interrupted Phileas Fogg.
— En effet, messieurs, ajouta John Sullivan, quatre-vingts jours, depuis que la section entre Rothal et Allahabad a été ouverte sur le «Great-Indian peninsular railway...», et voici le calcul établi par le Morning-Chronicle:
“Indeed, gentlemen,” added John Sullivan; “eighty days, since the section between Rothal and Allahabad was opened on the ‘Great Indian Peninsula Railway’; and here is the estimate made by the Morning Chronicle:
De Londres à Suez par le Mont-Cenis et Brindisi, railways et paquebots 7 jours
From London to Suez via Mont Cenis and Brindisi, by rail and steamboats 7 days
De Suez à Bombay, paquebot 13
From Suez to Bombay, by steamer 13
De Bombay à Calcutta, railway 3
From Bombay to Calcutta, by rail 3
De Calcutta à Hong-Kong (Chine), paquebot 13
From Calcutta to Hong Kong, by steamer 13
De Hong-Kong à Yokohama (Japon), paquebot 6
From Hong Kong to Yokohama (Japan), by steamer 6
De Yokohama à San-Francisco, paquebot 22
From Yokohama to San Francisco, by steamer 22
De San-Francisco à New-York, railroad 7
From San Francisco to New York, by rail 7
De New-York à Londres, paquebot et railway 9
From New York to London, by steamer and rail 9
Total: 80 jours.
Total: 80 days.
— Oui, quatre-vingts jours! s’écria Andrew Stuart, qui, par inattention, coupa une carte maîtresse, mais non compris le mauvais temps, les vents contraires, les naufrages, les déraillements, etc.
“Yes, in eighty days!” exclaimed Stuart, who, through inattention, cut a trump card. “But that doesn’t take into account bad weather, contrary winds, shipwrecks, derailments, and so on.”
— Tout compris, répondit Phileas Fogg en continuant de jouer, car, cette fois, la discussion ne respectait plus le whist.
“All included,” responded Phileas Fogg, continuing to play — though the discussion was no longer about whist.
— Même si les Indous ou les Indiens enlèvent les rails! s’écria Andrew Stuart, s’ils arrêtent les trains, pillent les fourgons, scalpent les voyageurs!
“Even if the Hindus or Indians pull up the rails!” cried Stuart. “Suppose they stop the trains, pillage the luggage-vans, and scalp the travellers!”
— Tout compris, » répondit Phileas Fogg, qui, abattant son jeu, ajouta : «Deux atouts maîtres.»
“All included,” Fogg calmly retorted; who, as he threw down the cards, added, “Two trumps.”
Andrew Stuart, à qui c’était le tour de «faire», ramassa les cartes en disant: «Théoriquement, vous avez raison, Monsieur Fogg, mais dans la pratique…
Stuart, whose turn it was to deal, gathered up the cards, saying, “Theoretically, you are right, Mr Fogg, but in practice…”
— Dans la pratique aussi, Monsieur Stuart.
“Practically also, Mr Stuart.”
— Je voudrais bien vous y voir.
“I would really like to see you do it.”
— Il ne tient qu’à vous. Partons ensemble.
“It depends on you. Shall we go together?”
— Le ciel m’en préserve! s’écria Stuart, mais je parierais bien quatre mille livres qu’un tel voyage, fait dans ces conditions, est impossible.
“May heaven preserve me!” cried Stuart. “But I would wager four thousand pounds that such a journey, made under these conditions, is impossible.”
— Très-possible, au contraire, répondit Mr. Fogg.
“Quite possible, on the contrary,” responded Mr Fogg.
— Et bien, faites-le donc!
“Well, make it, then!”
— Le tour du monde en quatre-vingts jours?
“The journey round the world in eighty days?”
— Oui.
“Yes.”
— Je le veux bien.
“I should like nothing better than to do it.”
— Quand?
“When?”
— Tout de suite.
“Right away.”
— C’est de la folie! s’écria Andrew Stuart, qui commençait à se vexer de l’insistance de son partenaire. Tenez! jouons plutôt.
“It is a folly!” cried Stuart, who was beginning to be annoyed at the persistency of his friend. “Come, let’s get on with the game.”
— Refaites alors, répondit Phileas Fogg, car il y a «mal donne.»
“Deal over again, then,” said Phileas Fogg. “There’s a false deal.”
«Eh bien, oui, Monsieur Fogg, dit-il, oui, je parie quatre mille livres!…
“Well yes, Mr Fogg,” he said, “it shall be so: I will wager the four thousand on it.”
— Mon cher Stuart, dit Fallentin, calmez-vous. Ce n’est pas sérieux.
“My dear Stuart,” said Fallentin, “calm yourself down. It is only a joke.”
— Quand je dis: je parie, répondit Andrew Stuart, c’est toujours sérieux.
“When I say I will wager,” replied Stuart, “it is always serious.”
— Soit! dit Mr. Fogg. Puis, se tournant vers ses collègues: «J’ai vingt mille livres déposées chez Baring frères. Je les risquerai volontiers…
“So be it,” said Mr Fogg; and, turning to the others, he continued: “I have a deposit of twenty thousand at Baring’s which I will willingly risk upon it...”
— Vingt mille livres! s’écria John Sullivan. Vingt mille livres qu’un retard imprévu peut vous faire perdre!
“Twenty thousand pounds!” cried Sullivan. “Twenty thousand pounds, which you would lose by a single unexpected delay!”
— L’imprévu n’existe pas, répondit simplement Phileas Fogg.
“The unforeseen does not exist,” Phileas Fogg replied simply.
— Mais, Monsieur Fogg, ce laps de quatre-vingts jours n’est calculé que comme un minimum de temps!
“But, Mr Fogg, the period of eighty days is only the estimate of the least possible time.”
— Un minimum bien employé suffit à tout.
“A well-used minimum suffices for everything.”
— Mais pour ne pas le dépasser, il faut sauter mathématiquement des railways dans les paquebots, et des paquebots dans les chemins de fer!
“But, in order not to exceed it, you must jump mathematically from the trains upon the steamers, and from the steamers upon the trains again.”
— Je sauterai mathématiquement.
“I will jump… mathematically.”
— C’est une plaisanterie!
“This is a joke!”
— Un bon Anglais ne plaisante jamais, quand il s’agit d’une chose aussi sérieuse qu’un pari, répondit Phileas Fogg.
“A true Englishman doesn’t joke when it comes to such a serious thing as a wager,” replied Phileas Fogg, solemnly.
Je parie vingt mille livres contre qui voudra que je ferai le tour de la terre en quatre-vingts jours ou moins, soit dix-neuf cent vingt heures ou cent quinze mille deux cents minutes. Acceptez-vous?
“I will bet twenty thousand pounds against anyone who wishes, that I will make the tour of the world in eighty days or less; in nineteen hundred and twenty hours, or a hundred and fifteen thousand two hundred minutes. Do you accept?”
— Nous acceptons, répondirent MM. Stuart, Fallentin, Sullivan, Flanagan et Ralph, après s’être entendus.
“We accept,” replied Stuart, Fallentin, Sullivan, Flanagan, and Ralph, after consulting each other.
— Bien, dit Mr Fogg. Le train de Douvres part à huit heures quarante-cinq. Je le prendrai.
“Good,” said Mr Fogg. “The train for Dover leaves at eight forty-five. I will be taking it.”
— Ce soir même? demanda Stuart.
“This very evening?” asked Stuart.
— Ce soir même, répondit Phileas Fogg. Donc, ajouta-t-il en consultant un calendrier de poche, puisque c’est aujourd’hui mercredi 2 octobre, je devrai être de retour à Londres, dans ce salon même du Reform-Club, le samedi 21 décembre, à huit heures quarante-cinq du soir, faute de quoi les vingt mille livres déposées actuellement à mon crédit chez Baring frères vous appartiendront de fait et de droit, messieurs. — Voici un chèque de pareille somme.»
“This very evening,” replied Phileas Fogg. Then, in consulting a pocket calendar, he added, “As today is Wednesday, the 2nd of October, I shall be due in London, in this very room of the Reform Club, on Saturday the 21st of December, at eight forty-five in the evening; or else the twenty thousand pounds now deposited in my name at Baring’s will belong to you, in fact and by right, gentlemen. Here is a cheque for the amount.”
On offrit à M.  Fogg de suspendre le whist afin qu’il pût faire ses préparatifs de départ.
The offer was made to Mr Fogg to suspend whist so that he might make his preparations for departure.
«Je suis toujours prêt!» répondit cet impassible gentleman, et donnant les cartes: «Je retourne carreau, dit-il. À vous de jouer, monsieur Stuart.»…
“I am always ready,” was the gentleman’s tranquil response, and dealing out the cards: “Diamonds are trumps,” he said. “It is your turn to play, Mr Stuart.”…
…«Passepartout.»
…“Passepartout!”
«Passepartout», reprit Mr. Fogg sans élever la voix davantage.
“Passepartout!” repeated Mr Fogg, without raising his voice.
«C’est la deuxième fois que je vous appelle, dit Mr. Fogg.
“It is the second time I have called you,” observed his master.
— Mais il n’est pas minuit, répondit Passepartout, sa montre à la main.
“But it is not midnight,” responded Passepartout, his watch in his hand.
— Je le sais, reprit Phileas Fogg, et je ne vous fais pas de reproche. Nous partons dans dix minutes pour Douvres et Calais.»
“I know it,” replied Phileas Fogg, “and I don’t blame you. We depart in ten minutes for Dover and Calais.”
«Monsieur se déplace? demanda-t-il.
“Monsieur is going somewhere?” he asked.
— Oui, répondit Phileas Fogg. Nous allons faire le tour du monde.»
“Yes,” replied Phileas Fogg. “We are going round the world.”
«Le tour du monde! murmura-t-il.
“Round the world!” he muttered.
— En quatre-vingts jours, répondit Mr. Fogg. Ainsi, nous n’avons pas un instant à perdre.
“In eighty days,” responded Mr Fogg. “So we haven’t a moment to lose.”
— Mais les malles?… dit Passepartout, qui balançait inconsciemment sa tête de droite et de gauche.
“But the trunks?” gasped Passepartout, who was unconsciously swaying his head from right to left.
— Pas de malles. Un sac de nuit seulement. Dedans, deux chemises de laine, trois paires de bas. Autant pour vous. Nous achèterons en route. Vous descendrez mon mackintosh et ma couverture de voyage. Ayez de bonnes chaussures. D’ailleurs, nous marcherons peu ou pas. Allez.»
“No trunks; an overnight bag only; inside, two woollen shirts and three pairs of socks for me. The same for you. We will buy our clothes on the way. Bring down my mackintosh and travelling-cloak. Get some stout shoes; though we will do little to no walking. Make haste!”
«Ah bien, se dit-il, elle est forte, celle-là! Moi qui voulais rester tranquille!»…
“Ah, well,” he said to himself, “that is great, that is: me who wanted to remain quiet!”…
…«Vous n’avez rien oublié? demanda-t-il.
…“You have forgotten nothing?” he asked.
— Rien, monsieur.
“Nothing, monsieur.”
— Mon mackintosh et ma couverture?
“My mackintosh and my cloak?”
— Les voici.
“Here they are.”
— Bien, prenez ce sac.»
“Good! Take this bag;” handing it to Passepartout.
«Et ayez-en soin, ajouta-t-il. Il y a vingt mille livres dedans.»
“Take good care of it,” he added. “There are twenty thousand pounds in it.”
Le sac faillit s’échapper des mains de Passepartout, comme si les vingt mille livres eussent été en or et pesé considérablement.
The bag nearly dropped from Passepartout’s hand, as if the twenty thousand pounds were in gold, and weighed a lot.
Le maître et le domestique descendirent alors, et la porte de la rue fut fermée à double tour.
Master and servant then descended, and the door to the street was double-locked.
Une station de voitures se trouvait à l’extrémité de Saville-row.
A cab rank was at the end of Saville Row.
Phileas Fogg et son domestique montèrent dans un cab, qui se dirigea rapidement vers la gare de Charing-Cross.
Phileas Fogg and his servant jumped into a cab, which drove rapidly to Charing Cross station.
A huit heures vingt, le cab s’arrêta devant la grille de la gare.
At twenty minutes past eight, the cab stopped in front of the railway station.
Passepartout sauta à terre. Son maître le suivit et paya le cocher.
Passepartout jumped to the ground. His master paid the driver and followed him.
En ce moment, une pauvre mendiante, tenant un enfant à la main, pieds nus dans la boue, coiffée d’un chapeau dépenaillé auquel pendait une plume lamentable, un châle en loques sur ses haillons, s’approcha de Mr. Fogg et lui demanda l’aumône.
At that moment, a poor beggar-woman, holding a child by the hand, barefoot in the mud, wearing a tattered hat on which hung a dismal feather, with a tattered shawl over her rags, approached Mr Fogg and asked him for alms.
Mr. Fogg tira de sa poche les vingt guinées qu’il venait de gagner au whist, et, les présentant à la mendiante: «Tenez, ma brave femme, dit-il, je suis content de vous avoir rencontrée!» Puis il passa.
Mr. Fogg took out the twenty guineas he had just won at whist, and handed them to the beggar, saying, “Here, my good woman. I am glad that I met you;” and passed on.
Mr. Fogg et lui entrèrent aussitôt dans la grande salle de la gare.
Mr. Fogg and he immediately entered the great hall of the station.
Là, Phileas Fogg donna à Passepartout l’ordre de prendre deux billets de première classe pour Paris.
There Phileas Fogg gave Passepartout the order to purchase two first-class tickets for Paris.
Puis, se retournant, il aperçut ses cinq collègues du Reform-Club.
Then, turning around, he saw his five friends from the Reform Club.
«Messieurs, je pars, dit-il, et les divers visas apposés sur un passeport que j’emporte à cet effet vous permettront, au retour, de contrôler mon itinéraire.
“Well, gentlemen, I am off,” he said, “and the various visas affixed to the passport — that I will be carrying for this purpose — will permit you to verify my itinerary.”
— Oh! monsieur Fogg, répondit poliment Gauthier Ralph, c’est inutile. Nous nous en rapporterons à votre honneur de gentleman!
“Oh, Mr Fogg,” said Ralph politely, “that would be quite unnecessary. We will take your word, as a gentleman of honour!”
— Cela vaut mieux ainsi, dit Mr. Fogg.
“It is better like this,” said Mr Fogg.
— Vous n’oubliez pas que vous devez être revenu?… fit observer Andrew Stuart.
“You do not forget when you are due back?” asked Stuart.
— Dans quatre-vingts jours, répondit Mr. Fogg, le samedi 21 décembre 1872, à huit heures quarante-cinq minutes du soir. Au revoir, messieurs.»…
“In eighty days,” responded Mr Fogg, “on Saturday the 21st of December, 1872, at eight forty-five in the evening. Good-bye, gentlemen.”…
…Mais le train n’avait pas dépassé Sydenham, que Passepartout poussait un véritable cri de désespoir !
…Just as the train was passing through Sydenham, Passepartout suddenly uttered a cry of despair.
«Qu’avez-vous? demanda Mr. Fogg.
“What is the matter?” asked Mr Fogg.
— Il y a… que… dans ma précipitation… mon trouble… j’ai oublié…
“It is… that… in my hurry… my excitement… I have forgotten…”
— Quoi?
“What?”
— D’éteindre le bec de gaz de ma chambre!
“To turn off the gas in my room!”
— Eh bien, mon garçon, répondit froidement Mr. Fogg, il brûle à votre compte!»…
“Very well, young man,” replied Mr Fogg, coolly; “it will burn at your expense.”…
…En attendant l’arrivée du Mongolia, deux hommes se promenaient sur le quai au milieu de la foule d’indigènes et d’étrangers qui affluent dans cette ville, naguère une bourgade, à laquelle la grande oeuvre de M. de Lesseps assure un avenir considérable.
…Awaiting the arrival of the Mongolia were two men, who were promenading up and down the wharves, among the crowd of locals and strangers who were sojourning at this town: once a village, and now, thanks to the great work of Mr Lesseps, assured of a promising future.
De ces deux hommes, l’un était l’agent consulaire du Royaume-Uni, établi à Suez.
Of these two men, one was the British consul based in Suez.
L’autre était un petit homme maigre, de figure assez intelligente, nerveux, qui contractait avec une persistance remarquable ses muscles sourciliers.
The other was a small thin man, with a nervous, intelligent face, which made his eyebrows twitch with a remarkable persistence.
En ce moment, il donnait certaines marques d’impatience, allant, venant, ne pouvant tenir en place.
He was just now manifesting unmistakable signs of impatience, pacing up and down, and unable to stand still.
Cet homme se nommait Fix, et c’était un de ces «détectives» ou agents de police anglais, qui avaient été envoyés dans les divers ports, après le vol commis à la Banque d’Angleterre.
This man was called Fix, and he was one of the ‘detectives’ or police agents, who had been sent to the various ports, after the robbery committed at the Bank of England.
«Et vous dites, monsieur le consul, demanda-t-il pour la dixième fois, que ce bateau ne peut tarder?
“So you say, consul,” he asked for the twentieth time, “that this steamer is never late?”
— Non, monsieur Fix, répondit le consul. Il a été signalé hier au large de Port-Saïd, et les cent soixante kilomètres du canal ne comptent pas pour un tel marcheur.
“No, Mr Fix,” replied the consul. “She was reported to be off Port Saïd yesterday, and the one hundred and sixty kilometres of the canal is if no account for such a craft.
Je vous répète que le Mongolia a toujours gagné la prime de vingt-cinq livres que le gouvernement accorde pour chaque avance de vingt-quatre heures sur les temps réglementaires.
I repeat to you that the Mongolia has always gained the daily reward of twenty-five pounds that the government affords for being ahead of the scheduled time.”
— Ce paquebot vient directement de Brindisi? demanda Fix.
“Does the steamer come directly from Brindisi?” inquired Fix.
— De Brindisi même, où il a pris la malle des Indes, de Brindisi qu’il a quitté samedi à cinq heures du soir. Ainsi ayez patience, il ne peut tarder à arriver.
“Directly from Brindisi; where she takes on the Indian mail, and she left Brindisi on Saturday at five in the afternoon. Thus, have patience, Mr Fix; she will not be late.
Mais je ne sais vraiment pas comment, avec le signalement que vous avez reçu, vous pourrez reconnaître votre homme, s’il est à bord du Mongolia.
But really, I don’t see how, from the description you have received, you will be able to recognise your man, even if he is on board the Mongolia.”
— Monsieur le consul, répondit Fix, ces gens-là, on les sent plutôt qu’on ne les reconnaît. C’est du flair qu’il faut avoir, et le flair est comme un sens spécial auquel concourent l’ouïe, la vue et l’odorat.
“My dear consul,” responded Fix, “these gentlemen, a man rather feels rather than recognises them. You must have a certain talent for sensing them, and this feel for it is like a sixth sense, which combines hearing, seeing, and smelling.
J’ai arrêté dans ma vie plus d’un de ces gentlemen, et pourvu que mon voleur soit à bord, je vous réponds qu’il ne me glissera pas entre les mains.
I have arrested more than one of these gentlemen in my time, and, if my thief is on board, I say to you that he will not slip through my fingers.”
— Je le souhaite, monsieur Fix, car il s’agit d’un vol important.
“I hope so, Mr Fix, for it was a major robbery.”
— Un vol magnifique, répondit l’agent enthousiasmé. Cinquante-cinq mille livres! Nous n’avons pas souvent de pareilles aubaines! Les voleurs deviennent mesquins!
“A magnificent robbery,” responded the enthusiastic agent. “Fifty-five thousand pounds! We don’t often have such windfalls. Thieves are becoming so petty nowadays!”
— Monsieur Fix, répondit le consul, vous parlez d’une telle façon que je vous souhaite vivement de réussir; mais, je vous le répète, dans les conditions où vous êtes, je crains que ce ne soit difficile.
“Mr Fix,” responded the consul, “you speak in such a way that I really wish you succeed; but, I repeat, in the circumstances you find yourself, I fear that it will be far from easy.
Savez-vous bien que, d’après le signalement que vous avez reçu, ce voleur ressemble absolument à un honnête homme.
You well know that with the description you have received, this thief looks distinctly like an honest man.”
— Monsieur le consul, répondit dogmatiquement l’inspecteur de police, les grands voleurs ressemblent toujours à d’honnêtes gens. Vous comprenez bien que ceux qui ont des figures de coquins n’ont qu’un parti à prendre, c’est de rester probes, sans cela ils se feraient arrêter.
“Consul,” remarked the police inspector dogmatically, “great robbers always resemble honest folks. You understand full well that those who have the face of a rascal have only one course to take, and that is to remain honest, otherwise they would be arrested.
Les physionomies honnêtes, ce sont celles-là qu’il faut dévisager surtout. Travail difficile, j’en conviens, et qui n’est plus du métier, mais de l’art.»
The honest faces, these are the ones we must see through. Difficult work, I do agree, and is more like an art than a profession.”
«Mais il n’arrivera pas, ce paquebot! s’écria-t-il en entendant sonner l’horloge du port.
“But it will not come, this steamer!” he exclaimed, in hearing the port clock ring out.
— Il ne peut être éloigné, répondit le consul.
“She can’t be far off now,” replied the consul.
— Combien de temps stationnera-t-il à Suez? demanda Fix.
“How long will she remain at Suez?” demanded Fix.
— Quatre heures. Le temps d’embarquer son charbon. De Suez à Aden, à l’extrémité de la mer Rouge, on compte treize cent dix milles, et il faut faire provision de combustible.
“Four hours; long enough to get in her coal. It is thirteen hundred and ten miles from Suez to Aden, at the other end of the Red Sea, and she has to take in a fresh supply of coal.”
— Et de Suez, ce bateau va directement à Bombay? demanda Fix.
“And does the boat go directly from Suez to Bombay?” inquired Fix.
— Directement, sans rompre charge.
“Directly, without break.”
— Eh bien, dit Fix, si le voleur a pris cette route et ce bateau, il doit entrer dans son plan de débarquer à Suez, afin de gagner par une autre voie les possessions hollandaises ou françaises de l’Asie. Il doit bien savoir qu’il ne serait pas en sûreté dans l’Inde, qui est une terre anglaise.
“Good!” said Fix. “If the robber has taken this route and this boat, disembarking at Suez will no doubt factor in his plan, the goal being to reach the Dutch or French colonies in Asia by some other route. He ought to know that he would not be safe in India, which is English soil.”
— À moins que ce ne soit un homme très-fort, répondit le consul. Vous le savez, un criminel anglais est toujours mieux caché à Londres qu’il ne le serait à l’étranger.»
“Unless he is not a particularly shrewd chap,” responded the consul. “You full well know that an English criminal is always better concealed in London than he would be abroad.”
…De vifs coups de sifflet annoncèrent l’arrivée du paquebot…
…An intense whistle announced the arrival of the steamer…
«Ce passeport n’est pas le vôtre? dit-il au passager.
“Is this your passport?” he said to the passenger.
— Non, répondit celui-ci, c’est le passeport de mon maître.
“No,” the other responded, “it is my master’s passport.”
— Et votre maître?
“And your master is…”
— Il est resté à bord.
“He stayed on board.”
— Mais, reprit l’agent, il faut qu’il se présente en personne aux bureaux du consulat afin d’établir son identité.
“But,” replied the agent, “he must present himself in person at the consulate, so as to establish his identity.”
— Quoi, cela est nécessaire?
“What! Is that necessary?”
— Indispensable.
“Quite indispensable.”
— Et où sont ces bureaux?
“And where is the consulate?”
— Là, au coin de la place, répondit l’inspecteur en indiquant une maison éloignée de deux cents pas.
“There, on the corner of the square,” replied the inspector, pointing to a house some two hundred paces away.
— Alors, je vais aller chercher mon maître, à qui pourtant cela ne plaira guère de se déranger!»
“Well then, I will go and fetch my master, who won’t be much pleased, however, to be disturbed.”
Là-dessus, le passager salua Fix et retourna à bord du steamer.
With that, the passenger bowed to Fix, and returned to the steamer.
L’inspecteur redescendit sur le quai et se dirigea rapidement vers les bureaux du consul.
The detective passed down the quay, and rapidly made his way to the consul’s office.
«Monsieur le consul, lui dit-il sans autre préambule, j’ai de fortes présomptions de croire que notre homme a pris passage à bord du Mongolia.»
“Consul,” he said, without any other preamble, “I have strong reasons for believing that our man has made passage on board the Mongolia.”
Et Fix raconta ce qui s’était passé entre ce domestique et lui à propos du passeport.
And Fix narrated what had just passed between the servant and him concerning the passport.
«Bien, monsieur Fix, répondit le consul, je ne serais pas fâché de voir la figure de ce coquin. Mais peut-être ne se présentera-t-il pas à mon bureau, s’il est ce que vous supposez.
“Well, Mr Fix,” replied the consul, “I shall not be sorry to see the rascal’s face; but perhaps he won’t present himself at my office; that is, if he is the person you suppose him to be.
Un voleur n’aime pas à laisser derrière lui des traces de son passage, et d’ailleurs la formalité des passeports n’est plus obligatoire.
A robber doesn’t quite like to leave traces of his flight behind him; and, besides, he is not obliged to have his passport stamped.”
— Monsieur le consul, répondit l’agent, si c’est un homme fort comme on doit le penser, il viendra!
“Consul,” responded the agent, “if he is as shrewd a man as I think he is, he will come!”
— Faire viser son passeport?
“To get a visa in his passport?”
— Oui. Les passeports ne servent jamais qu’à gêner les honnêtes gens et à favoriser la fuite des coquins. Je vous affirme que celui-ci sera en règle, mais j’espère bien que vous ne le viserez pas.
“Yes. Passports are only good for annoying honest folks, and aiding in the flight of rogues. I assure you it will be quite the thing for him to do; but I hope you will not visa the passport.”
— Et pourquoi pas? Si ce passeport est régulier, répondit le consul, je n’ai pas le droit de refuser mon visa.
“Why not? If the passport is genuine, I have no right to refuse the visa.”
— Cependant, monsieur le consul, il faut bien que je retienne ici cet homme jusqu’à ce que j’aie reçu de Londres un mandat d’arrestation.
“Still, Consul, I must keep this man here until I can get an arrest warrant from London.”
— Ah! cela, monsieur Fix, c’est votre affaire, répondit le consul, mais moi, je ne puis…»
“Ah, that, Mr Fix, is your affair,” responded the Consul, “but as for me, I cannot…”
Le consul n’acheva pas sa phrase. En ce moment, on frappait à la porte de son cabinet, et le garçon de bureau introduisit deux étrangers, dont l’un était précisément ce domestique qui s’était entretenu avec le détective.
The consul did not finish his sentence. At that moment, there was a knock at the door, and the clerk introduced two foreigners, one being the very servant who had met the detective.
C’étaient, en effet, le maître et le serviteur. Le maître présenta son passeport.
It was, in effect, master and servant. The master presented his passport.
Quand le consul eut achevé sa lecture:
When the consul had finished reading it:
«Vous êtes Phileas Fogg, esquire? demanda-t-il.
“You are Mr Phileas Fogg?” he asked.
— Oui, monsieur, répondit le gentleman.
“I am, sir,” responded the gentleman.
— Et cet homme est votre domestique?
“And this man is your servant?”
— Oui. Un Français nommé Passepartout.
“Yes he is: a Frenchman, named Passepartout.”
— Vous venez de Londres?
“You come from London?”
— Oui.
“Yes.”
— Et vous allez?
“And you are going to…”
— À Bombay.
“To Bombay.”
— Bien, monsieur. Vous savez que cette formalité du visa est inutile, et que nous n’exigeons plus la présentation du passeport?
“Very good, sir. You know that this formality of a visa is quite useless, and that we no longer require a passport to be presented?”
— Je le sais, monsieur, répondit Phileas Fogg, mais je désire constater par votre visa mon passage à Suez.
“I know it, sir,” replied Phileas Fogg; “but I wish to prove my passage to Suez by your visa.”
— Soit, monsieur.»
“Very well, sir.”
Et le consul, ayant signé et daté le passeport, y apposa son cachet.
The consul proceeded to sign and date the passport, and then added his official seal.
Mr. Fogg acquitta les droits de visa, et, après avoir froidement salué, il sortit, suivi de son domestique.
Mr Fogg paid the customary fee, and after having bowed coldly, he exited, followed by his servant.
«Eh bien? demanda l’inspecteur.
“Well?” queried the inspector.
— Eh bien, répondit le consul, il a l’air d’un parfait honnête homme!
“Well,” replied the consul, “he has the air of a perfectly honest man!”
— Possible, répondit Fix, mais ce n’est point ce dont il s’agit. Trouvez-vous, monsieur le consul, que ce flegmatique gentleman ressemble trait pour trait au voleur dont j’ai reçu le signalement?
“Possibly,” responded Fix, “but that is not the matter at hand. Do you think, consul, that this phlegmatic gentleman resembles, feature by feature, the robber whose description I have received?”
— J’en conviens, mais vous le savez, tous les signalements…
“I concede that; but then, you know, all descriptions…”
— J’en aurai le cœur net, répondit Fix. Le domestique me paraît être moins indéchiffrable que le maître. De plus, c’est un Français, qui ne pourra se retenir de parler. À bientôt, monsieur le consul.»
“I will make certain of it,” interrupted Fix. “The servant seems to me less mysterious than the master. Besides, he is a Frenchman, and cannot refrain from talking. See you in a little while, consul.”
Cela dit, l’agent sortit et se mit à la recherche de Passepartout.
That said, the agent started off in search of Passepartout.
Cependant Mr. Fogg, en quittant la maison consulaire, s’était dirigé vers le quai. Là, il donna quelques ordres à son domestique; puis il s’embarqua dans un canot, revint à bord du Mongolia et rentra dans sa cabine. Il prit alors son carnet, qui portait les notes suivantes:
Meanwhile, Mr Fogg, after leaving the consulate, headed to the quay. There, he gave some orders to his servant; then he climbed into a dinghy, returned to the Mongolia, and went back to his cabin. He took up his note-book, which contained the following notes:
«Quitté Londres, mercredi 2 octobre, 8 heures 45 soir.
“Departed London, Wednesday, October 2nd, at 8.45 p.m.
«Arrivé à Paris, jeudi 3 octobre, 7 heures 20 matin.
Arrived in Paris, Thursday, October 3rd, at 7.20 a.m.
«Quitté Paris, jeudi, 8 heures 40 matin.
Left Paris, Thursday, at 8.40 a.m.
«Arrivé par le Mont-Cenis à Turin, vendredi 4 octobre, 6 heures 35 matin.
Reached Turin by Mont Cenis, Friday, October 4th, at 6.35 a.m.
«Quitté Turin, vendredi, 7 heures 20 matin.
Left Turin, Friday, at 7.20 a.m.
«Arrivé à Brindisi, samedi 5 octobre, 4 heures soir.
Arrived at Brindisi, Saturday, October 5th, at 4 p.m.
«Embarqué sur le Mongolia, samedi, 5 heures soir.
Embarked on the Mongolia, Saturday, at 5 p.m.
«Arrivé à Suez, mercredi 9 octobre, 11 heures matin.
Reached Suez, Wednesday, October 9th, at 11 a.m.
«Total des heures dépensées: 158 1/2, soit en jours: 6 jours 1/2.»
Total of hours spent, 158 1/2; or, in days, six days and a half.”
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