The Other Chapters of Chuang Tzu
Les Chapitres divers
de Tchoang-tzeu
(French)
Author: Zhuangzi
(Chuang Tzu) (3rd Century BCE)
French Translator:
Léon Wieger 1913
Translator/Editor: Nik Marcel 2017
English translated from French.
Copyright
© 2018 Nik Marcel
All
rights reserved.
A Bilingual (Dual-Language) Project
2Language Books
Les Chapitres divers de Tchoang-tzeu
Chapitre 1
Le Retour à la Nature:
(Le texte de ce chapitre très obscur, paraît avoir
beaucoup souffert — de mutilations et transpositions.)
A. Parmi les disciples de Lao-tan, un certain
Keng-sang-tch’ou, ayant fini de recevoir son enseignement, alla vers le Nord,
s’établit au pied du mont Wei-lei, et enseigna à son tour des disciples.
Pour l’amour de la simplicité taoïste, il congédia
ceux de ses serviteurs qui se donnaient des airs intelligents, et éloigna
celles de ses compagnons qui étaient gentilles, ne gardant autour de lui que
des personnes rustiques et frustes.
Au bout de trois années, par l’effet de son séjour
et de ses exemples, Wei-lei se trouva extrêmement prospère.
Les gens du lieu dirent entre eux: — Quand ce
Maître Keng-sang s’établit parmi nous, nous le trouvâmes singulier. C’est que
nous ne le connaissions pas assez. Maintenant que nous avons eu le temps
d’apprendre à le connaître, qui d’entre nous ne le considère pas comme un Sage?
Nous devrions l’honorer par diverses cérémonies,
comme on honore le représentant d’un mort, le génie du sol et celui des
moissons.
Keng-sang-tch’ou apprit ces propos. Assis dans son
école à sa place de maître, son posture devint rigide. Ses disciples lui en
demandèrent la raison.
— C’est que, dit-il, d’après mon maître Lao-tan, si
le printemps fait revivre les végétaux, si l’automne fait mûrir les fruits, ce
sont là des effets naturels produits par le grand Principe qui opère en tout,
et non des mérites des saisons.
À l’instar de la nature, le sur-homme doit opérer
restant caché (enfermé dans sa maison), et ne pas se laisser acclamer par la
populace tumultueuse.
Or voici que ce petit peuple de Wei-lei médite de
me décerner le rang et les offrandes des Sages, à moi homme vulgaire. Cela
m’embarrasse, car je ne veux pas contrevenir à l’enseignement de mon maître
Lao-tan.
— Ne craignez pas, dirent les disciples; vous avez
tout ce qu’il faut, et le fardeau est léger. Dans un canal, une baleine ne
pourrait se retourner, mais un poisson de moindre taille évolue à l’aise. Sur
un tertre, un buffle ne serait pas en sûreté, mais un renard vit très bien.
Et puis, les sages ne doivent-ils pas être honorés,
les habiles ne doivent-ils pas être élevés, les bienfaisants et les utiles ne
doivent-ils pas être distingués? Depuis Yao et Chounn, c’est la règle. Maître,
laissez faire ce petit peuple de Wei-lei. Accédez à leur désir!
Keng-sang-tch’ou dit: — Approchez mes enfants, que
je vous dise.
Se montrer est toujours funeste. Même s’il était
assez grand pour engloutir un char, s’il quitte son repaire dans les montagnes,
l’animal terrestre n’évitera pas les filets et les pièges. Même s’il était
assez grand pour avaler un bateau, le poisson échoué sera dévoré par les
fourmis.
C’est pour leur préservation que les oiseaux et les fauves recherchent
les hauteurs, les poissons et les tortues les profondeurs. De même, l’homme qui
veut conserver son corps et sa vie, doit se cacher dans l’obscurité.
Et pour ce qui est de l’autorité de Yao et de Chounn que vous m’avez
citée, elle est nulle. Qu’ont fait, pour le bien de l’humanité, ces phraseurs,
ces novateurs, ces esprits tout occupés de vulgarités et de vétilles?
Ils honoraient les Sages; c’est le bon moyen pour remplir le peuple de
compétitivité. Ils élevaient les habiles; c’est le bon moyen pour faire de tous
les citoyens des brigands.
De toutes leurs inventions, aucune ne bonifia le peuple. Tout au
contraire, ils surexcitèrent chez le peuple l’égoïsme, passion qui fait les
parricides, les régicides, les voleurs et les pillards.
Je vous le dis, c’est du règne de ces deux hommes que datent tous les
désordres. Si leur politique est continuée, un temps viendra où les hommes se
dévoreront les uns les autres.
B. Nan-joung-tchou — homme déjà avancé en âge, qui s’était mis à l’école
de Keng-sang-tch’ou — ayant pris la position la plus respectueuse, lui demanda:
— À mon âge, que devrais-je faire pour devenir un sur-homme?
Keng-sang-tch’ou lui dit: — Veillez à ce que votre corps bien sain
emprisonne hermétiquement votre esprit vital; ne laissez pas des pensées et des
images bourdonner dans votre intérieur; si vous faites cela durant trois années
entières, vous obtiendrez ce que vous désirez.
Nan-joung-tchou répondit: — Les yeux paraissent tous identiques, mais
ceux des aveugles ne voient pas. Les oreilles paraissent toutes identiques,
mais celles des sourds n’entendent pas. Les cœurs paraissent tous identiques,
et pourtant les fous ne sentent pas. De corps, je suis fait comme vous, mais
mon esprit doit être fait autrement que le vôtre. Je ne saisis pas le sens des
paroles que vous venez de me dire.
— Cela doit tenir à mon incapacité de m’exprimer, dit Keng-sang-tch’ou.
Une petite chenille ne peut pas se transformer en un gros papillon. Une petite
poule de Ue ne peut pas couver un œuf d’oie. Je n’ai évidemment pas ce qu’il
faut pour vous éclairer. Pourquoi n’iriez-vous pas au midi, consulter Lao-tzeu?
C. Suivant l’avis de Keng-sang-tch’ou, Nan-joung-tchou se munit des
provisions nécessaires, marcha durant sept jours et sept nuits, et arriva au
lieu où vivait Lao-tzeu.
— C’est Keng-sang-tch’ou qui vous envoie? demanda celui-ci.
— Oui, dit Nan-joung-tchou.
— Pourquoi, demanda Lao-tzeu, avez-vous amené une suite si considérable?
Nan-joung-tchou regarda derrière lui, tout effaré.
— Vous n’avez pas compris ma question, dit Lao-tzeu.
Honteux, Nan-joung-tchou baissa la tête; puis, l’ayant relevée, il
soupira et dit: — Parce que je n’ai pas su comprendre votre question,
m’interdirez-vous de vous dire ce qui m’a amené ici?
— Non, fit Lao-tzeu; dites-moi!
Alors Nan-joung-tchou dit: — Si je reste ignare, les hommes me
mépriseront; si je deviens savant, ce sera en usant mon corps. Si je reste
mauvais, je ferai du mal aux autres; si je me fais bon, il me faudra fatiguer
ma personne. Si je ne pratique pas l’équité, je blesserai autrui; si je la
pratique, je me léserai moi-même.
Ces trois doutes me tourmentent. Que ferai-je? que ne ferai-je pas?
Keng-sang-tch’ou m’a envoyé vous demander conseil.
Lao-tzeu dit: — J’ai bien lu dans vos yeux, au premier coup d’œil, que
vous avez perdu la tête. Vous ressemblez à un homme qui chercherait à retirer
du fond de la mer ses parents engloutis. J’ai pitié de vous.
Ayant obtenu d’être admis chez Lao-tzeu comme pensionnaire,
Nan-joung-tchou commença un traitement moral. Il s’appliqua d’abord à fixer ses
qualités et à éliminer ses vices.
Après dix jours de cet exercice qu’il trouva dur, il revit Lao-tzeu.
— L’œuvre de votre purification avance-t-elle? lui demanda celui-ci. Il
me paraît qu’elle n’est pas encore parfaite.
Les troubles d’origine externe (entrés par les sens) ne peuvent être
rembarrés que par l’imposition d’une barrière interne (le recueillement).
Les troubles d’origine interne (issus de la raison) ne peuvent être
rembarrés que par une barrière externe (la contrainte de soi).
Ces deux sortes d’émotions, même ceux qui sont avancés dans la science
du Principe en éprouvent occasionnellement les attaques, et doivent encore se
prémunir contre elles; combien plus ceux qui, comme vous, ont vécu longtemps
sans connaître le Principe, et sont peu avancés.
— Hélas! dit Nan-joung-tchou découragé, quand un paysan est tombé
malade, il conte son mal à un autre, et se trouve, sinon guéri, du moins
soulagé.
Tandis que moi, chaque fois que je consulte sur le grand Principe, le
mal qui tourmente mon cœur augmente, comme si j’avais pris le mauvais
médicament.
C’est trop fort pour moi. Veuillez me donner la recette pour faire durer
ma vie; je me contenterai de cela.
— Et vous croyez, dit Lao-tzeu, que cela se passe ainsi, de la main à la
main? Faire durer la vie suppose bien des choses. Êtes-vous capable de
conserver votre intégrité physique, de ne pas la compromettre?
Saurez-vous toujours distinguer le favorable du funeste? Saurez-vous
vous arrêter, et vous abstenir, à la limite?
Pourrez-vous vous désintéresser d’autrui, pour vous concentrer sur
vous-même? Arriverez-vous à garder votre esprit libre et recueilli?
Pourrez-vous revenir à l’état de votre première enfance?
Le nouveau-né vagit jour et nuit sans s’enrouer, tant sa nature neuve
est solide. Il ne lâche pas ce qu’il a saisi, tant sa volonté est concentrée.
Il regarde longuement sans cligner des yeux, rien ne l’émouvant. Il
marche sans but et s’arrête sans motif, allant spontanément, sans réflexion.
Être indifférent et suivre la nature, voilà la formule pour faire durer sa vie.
— Toute la formule? demanda Nan-joung-tchou.
Lao-tzeu reprit: — C’est là le commencement de la carrière du sur-homme,
ce que j’appelle le dégel, la débâcle, après quoi la rivière commence à prendre
son cours.
Le sur-homme vit, comme les autres hommes, des fruits de la terre, des
bienfaits du ciel. Mais il ne s’attache ni à homme, ni à chose. Profit et perte
le laissent également indifférent.
Il ne se formalise de rien, ne se réjouit de rien. Il plane, concentré
sur lui-même. Voilà la formule pour faire durer sa vie.
— Toute la formule? demanda Nan-joung-tchou.
Lao-tzeu reprit: — J’ai dit qu’il fallait redevenir petit enfant. En se
mouvant, en agissant, l’enfant n’a pas de but, pas d’intention. Son corps est
indifférent comme du bois sec; son cœur est inerte comme de la cendre éteinte.
Pour lui, il n’y a ni bonheur, ni malheur.
Quel mal peuvent faire les hommes, à celui qui est au-dessus de ces deux
grandes vicissitudes du destin? L’homme logé si haut dans l’indifférence, voilà
le sur-homme.
D. Dans ce qui suit, c’est probablement Tchoang-tzeu qui parle.
Celui dont le cœur a atteint cet apogée de l’immuabilité émet la lumière
naturelle (raison pure, sans rien de conventionnel) qui lui révèle ce qui peut
encore rester en lui d’artificiel.
Plus il se défait de cet artificiel, plus il devient stable. Avec le
temps, l’artificiel disparaîtra entièrement, le naturel seul restant en lui.
Les hommes qui ont atteint cet état s’appellent peuple céleste;
c’est-à-dire hommes revenus à leur état naturel, redevenus tels que le ciel les
avait faits primitivement.
Cela ne s’apprend ni par théorie, ni par pratique, mais par intuition ou
exclusion. S’arrêter là où l’on ne peut pas en apprendre davantage (et se
tenir, dit la Glose, dans l’indifférence et l’inaction), c’est être
parfaitement sage.
Celui qui prétendrait passer outre (décider, agir, au hasard), le cours
fatal des choses le brisera — car il entrera inévitablement en conflit avec le
destin.
Quand toutes les provisions ont été faites et toutes les précautions
prises pour l’entretien du corps, quand on n’a provoqué autrui par aucune
offense, alors, si quelque malheur arrive, il faudra l’attribuer au destin, non
aux hommes, et par suite se garder de l’éviter en faisant quelque bassesse, se
garder même de s’en chagriner.
Il est au pouvoir de l’homme de fermer hermétiquement la tour de son
esprit (son cœur); il est en son pouvoir de la tenir close, à la condition
qu’il n’examine ni ne discute ce qui se présente, mais refuse simplement
l’accès.
Chaque acte de celui qui n’est pas parfaitement indifférent est un
désordre. L’objet de l’acte, ayant pénétré dans son cœur, s’y loge et n’en sort
plus. À chaque acte nouveau, il y a un nouveau désordre.
Quiconque fait à la lumière du jour ce qui n’est pas bien, les hommes
l’en puniront à l’occasion. S’il l’a fait dans les ténèbres, les mânes l’en
puniront à l’occasion.
Se rappeler que, quand on n’est pas observé par les hommes, on l’est par
les mânes, ce qui fait qu’on se conduit bien, même dans le secret de sa
retraite.
Ceux qui ont le souci de leur vie ne se remuent pas pour devenir
célèbres. Ceux qui brûlent d’acquérir se répandent au dehors.
Les premiers sont hommes de raison; les seconds sont hommes de négoce.
On voit ces derniers se hausser, se hisser, s’efforçant de parvenir. Ce sont
des magasins à préoccupations, à soucis.
Ils en sont si pleins, qu’il n’y a plus place, dans leur cœur, même pour
l’amour de leurs semblables. Aussi sont-ils détestés, et considérés comme
n’étant plus des hommes.
De tous les instruments de mort, le désir est le plus meurtrier; le
fameux sabre Mouo-ye n’a pas tué tant d’hommes.
Les pires assassins, sont, dit-on, le yin et le yang, auxquels nul
n’échappe. Et pourtant, en vérité, si le yin et le yang tuent les hommes, c’est
que les appétits des hommes les livrent à ces assassins.
E. Le Principe universel subsiste dans la multiplicité des êtres, dans
leurs genèses et leurs destructions.
Tous les êtres distincts sont tels par différenciation accidentelle et
temporaire (individuation) du Tout, et leur destinée est de rentrer dans ce
Tout, dont leur essence est une participation.
De ce retour, le vulgaire dit que les vivants qui étant morts n’en
trouvent pas le chemin, errent comme fantômes; et que ceux qui étant morts ont
trouvé le chemin, sont défunts (éteints).
Survivance et extinction, ce sont là deux manières de parler d’un retour
identique, qui proviennent de ce qu’on a appliqué à l’état d’être non sensible
les notions propres à l’être sensible.
La vérité est que, sortis par leur génération du néant de forme (l’être
indéterminé), rentrés par leur trépas dans le néant de forme, les êtres
conservent une réalité (celle du Tout universel) mais n’ont plus de lieu; ils
gardent une durée (celle du Tout éternel) mais n’ont plus de temps.
La réalité sans lieu, la durée sans temps, c’est l’univers, c’est
l’unité cosmique, le Tout, le Principe.
C’est dans le sein de cette unité que se produisent les naissances et
les morts, les apparitions et les disparitions, silencieuses et imperceptibles.
On l’a appelée la porte céleste ou naturelle, porte d’entrée et de
sortie de l’existence. Cette porte est le non-être de forme, l’être indéfini.
Tout en est sorti.
L’être sensible ne peut pas être en dernière instance issu de l’être
sensible. Il est nécessairement issu du non-être de forme. Ce non-être de forme
est l’unité, le Principe. Voilà le secret des Sages, le pépin de la science
ésotérique.
Dans leurs dissertations sur l’origine, ceux des anciens qui
atteignirent un degré supérieur de science émirent trois opinions.
Les uns pensèrent que, de toute éternité, fut l’être défini, infini,
auteur de tous les êtres limités.
D’autres, supprimant l’être infini, pensèrent que, de toute éternité,
des êtres limités existèrent, passant par des phases alternatives de vie et de
mort.
D’autres encore pensèrent que d’abord fut le néant de forme (l’être
indéfini infini), duquel émanèrent tous les êtres définis, avec leurs genèses
et leurs cessations.
Être indéfini, genèse, cessation, ces trois termes se tiennent comme la
tête, la croupe et la queue d’un animal. Moi (Tchoang-tzeu) je soutiens cette
thèse.
Pour moi, l’être indéfini, tous les devenirs, toutes les cessations,
forment un complexe, un tout. Je mets ma main dans la main de ceux qui pensent
ainsi.
Cependant, à la rigueur, les trois opinions susdites pourraient se
concilier. Elles sont parentes, comme branches d’un même arbre.
L’être particulier est à l’être indéfini ce que la suie (dépôt palpable)
est à la fumée (type de l’impalpable).
Quand la suie se dépose, il n’y a pas eu de production nouvelle, mais
seulement un passage de l’impalpable au palpable, la suie étant de la fumée
concrète.
Et de même, si cette suie se redissipe en fumée, il n’y aura encore eu
qu’une conversion, sans modification essentielle.
Je sais que le terme conversion que j’emploie, pour exprimer la
succession des vies et des morts dans le sein du Principe, n’est pas vulgaire;
mais il me faut dire ainsi, sous peine de ne pas pouvoir m’exprimer.
Les membres disjoints d’un bœuf sacrifié sont une victime. Plusieurs
appartements sont un logis. La vie et la mort sont un même état. De la vie à la
mort, il n’y a pas transformation; il y a conversion.
Les philosophes s’échauffent quand il s’agit de définir la différence
entre ces deux états. Pour moi, il n’y a pas de différence — les deux états
n’en sont qu’un.
F. En cas de heurt, plus le heurté vous tient de près, moins on lui fait
d’excuses.
On demande pardon au paysan étranger à qui l’on a marché sur le pied;
mais le père ne demande pas pardon à son fils, dans la même occurrence.
L’apogée des rites, c’est de ne pas les effectuer. L’apogée des
convenances, c’est de se moquer de tout. L’apogée de l’intelligence, c’est de
ne penser à rien. L’apogée de la bonté, c’est de ne rien aimer. L’apogée de la
sincérité, c’est de ne pas verser d’arrhes.
Il faut réprimer les écarts des appétits. Il faut corriger les
aberrations de l’esprit et du cœur. Il faut écarter tout ce qui gêne le libre
influx du Principe.
Vouloir être noble, riche, distingué, respecté, renommé, et avantagé,
voilà les six appétits. L’air, le maintien, la beauté, les arguments, la
respiration, et la pensée, voilà ce qui cause les aberrations de l’esprit.
L’antipathie, la sympathie, la complaisance, la colère, la douleur, et la joie,
voilà ce qui cause les aberrations du cœur. La répulsion, l’attraction, la
charité, la réception, le savoir, et le pouvoir, voilà ce qui gêne le libre
influx du Principe.
Si ces vingt-quatre causes de désordre ont été éliminées, l’intérieur
d’un être deviendra réglé, calme, lumineux, vide, non-agissant et
tout-puissant.
Le Principe est la source de toutes les facultés actives, la vie est
leur manifestation, une nature particulière est une modalité de cette vie, ses
mouvements sont les actes, les actes manqués sont les fautes.
Les savants devisent et spéculent; et, quand ils n’arrivent pas à voir
plus clair, ils font comme les petits enfants et regardent un objet.
N’agir que quand on ne peut pas faire autrement, c’est l’action
ordonnée. Agir sans y être obligé, c’est ingérence hasardeuse. Savoir et agir
doivent marcher de concert.
G. Iye était très habile archer (art artificiel), mais n’entendent rien
à la nature.
Certains qui n’entendent rien à aucun art, sont très sages
naturellement. La nature est la base de tout.
La liberté fait partie de la perfection naturelle. Elle ne se perd pas
seulement par l’emprisonnement dans une cage.
T’ang encagea I-yinn, en le faisant son cuisinier. Le duc Mou de Ts’inn
encagea Pai-li-hi, en lui donnant cinq peaux de bouc.
On encage les hommes en leur offrant ce qu’ils aiment. Toute faveur
asservit.
La liberté d’esprit exige l’absence d’intérêt.
Celui qui a subi le supplice de l’amputation des pieds ne s’attife plus;
car il ne peut plus se faire beau — il n’a plus cet intérêt.
Celui qui va être exécuté n’a plus le vertige à n’importe quelle
élévation; car il n’a plus peur de tomber, n’ayant plus l’intérêt de conserver
sa vie.
Pour être un homme revenu à l’état de nature, il faut avoir renoncé à
l’amitié des hommes, et à tous les petits moyens qui servent à la gagner et à
l’entretenir. Il faut être devenu insensible à la vénération et à l’outrage; se
tenir toujours dans l’équilibre naturel.
Il faut être indifférent, avant de faire un effort, avant d’agir; de
sorte que l’effort, l’action, sortant du non-effort, du non-agir, soient
naturels.
Pour jouir de la paix, il faut tenir son corps bien en ordre. Pour que
les esprits vitaux fonctionnent bien, il faut mettre son cœur bien à l’aise.
Pour toujours bien agir, il ne faut sortir de son repos que quand on ne
peut pas faire autrement. Voilà la voie des Sages.
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