Little Lord Fauntleroy
Le Petit Lord
(English & French)
English
partly translated anew from French.
Copyright © 2013 Nik
Marcel
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Books
(A
Bilingual Dual-Language Project)
Le Petit Lord Vol.2
Chapitre I
Il était déjà tard dans l’après-midi, le lendemain,
quand le coupé contenant le petit lord et M. Havisham enfila la longue avenue
qui conduisait au château.
Le comte avait donné l’ordre que son petit-fils
arrivât pour dîner avec lui, et, pour quelque raison qu’il ne jugea pas à
propos de communiquer à personne, il voulait que l’enfant fût introduit seul
dans la chambre où il avait l’intention de le recevoir.
Comme la voiture montait l’avenue, lord Fauntleroy,
appuyé mollement sur les coussins, suivait avec le plus grand intérêt la
perspective qui se déroulait à ses regards.
Par le fait, rien ne le laissait indifférent: ni le
confortable coupé avec les deux superbes chevaux qui y étaient attelés, ni
leurs harnais magnifiques, ni le cocher et le valet de pied avec leurs livrées
resplendissantes, ni même la couronne peinte sur les panneaux, et il se
promettait de se faire expliquer ce qu’elle signifiait.
Quand la voiture atteignit la grande grille du
parc, il se pencha à la portière pour mieux voir les deux lions de pierre qui
décoraient l’entrée.
La grille fut ouverte par une jeune femme fraîche,
de bonne mine, qui sortit d’une jolie maisonnette couverte de lierre, située
près de l’entrée.
Deux enfants l’accompagnaient. La bouche ouverte et
les yeux arrondis par la curiosité, ils se mirent à regarder le petit garçon
qui était dans la voiture et qui, lui aussi, les regardait.
La femme fit une révérence en souriant au petit
lord, et sur un signe d’elle les deux enfants l’imitèrent.
«Est-ce qu’elle me connaît? demanda Cédric. Elle
croit me connaître, bien sûr.»
Et retirant son bonnet de velours noir, il la salua
à son tour d’un air de joyeuse humeur.
«Comment allez-vous? lui dit-il. Bonne après-midi!»
La femme eut l’air charmé. Le sourire s’élargit
encore sur sa bonne figure, tandis que ses yeux bleus brillaient de
contentement.
«Que Dieu bénisse Votre Seigneurie, dit-elle, que
Dieu bénisse votre aimable visage! Bonne chance et bonheur à vous! Soyez le
bienvenu!»
Lord Fauntleroy agita encore une fois son bonnet en
lui faisant un nouveau signe de tête amical.
«Cette femme me plaît, dit-il à M. Havisham, quand
il l’eut perdue de vue. Elle a l’air d’aimer les enfants. Je serais bien aise
de venir jouer de temps en temps avec les siens; j’ai peur qu’ils n’aient pas
beaucoup de camarades.»
M. Havisham ne jugea pas à propos de lui dire que
probablement il ne lui serait pas permis d’aller jouer avec les enfants des
gardes du parc.
Il pensa qu’il serait temps plus tard de lui donner
cette information.
La voiture roulait entre les grands et beaux ormes
croissant de chaque côté de l’avenue, et étendant leurs énormes branches qui se
recourbaient en arche au-dessus de la tête de Cédric.
L’enfant n’avait jamais vu de si gros arbres.
Il ne savait pas que le domaine de Dorincourt était
un des plus vieux de toute l’Angleterre, que son parc était un des mieux
plantés, et que ses avenues étaient presque sans égales; néanmoins, il voyait
bien que tout cela était magnifique.
Il prenait plaisir à regarder le soleil couchant
envoyer ses flèches d’or entre les branches touffues; il jouissait de la
parfaite tranquillité qui semblait régner sous ces superbes ombrages; il
admirait la manière dont ils étaient disposés, tantôt pressés les uns contre
les autres, et laissant à peine le regard glisser entre leurs épais fourrés,
tantôt isolés ou groupés sur de vastes pelouses.
De temps en temps la voiture atteignait des espaces
couverts de fougères; dans d’autres, le terrain était tapissé de fleurs
sauvages.
Plusieurs fois Cédric poussa une exclamation de
joie en voyant un lapin sauter du taillis sur la route, puis y rentrer bien
vite, son petit bout de queue blanche se dressant derrière lui; ou bien c’était
une compagnie de perdrix qui s’envolait avec un bruissement d’ailes, ce qui
faisait battre des mains au petit lord.
«C’est un très bel endroit, dit-il à M. Havisham,
je n’en ai jamais vu de si beau. C’est plus beau encore que le Parc Central.
(Le Parc Central est un des jardins publics de
New-York.)
«Et puis, comme c’est grand! ajouta-t-il. Combien y
a-t-il de la grille d’entrée au château?
— Environ trois ou quatre milles, répondit l’homme
de loi.
(Un mille vaut un peu plus d’un kilomètre.)
— Comme c’est grand!» répéta Cédric.
À chaque instant, l’enfant apercevait de nouveaux
sujets d’étonnement et d’admiration.
Ce qui l’enchanta le plus, ce fut la vue d’un
troupeau de daims, couchés sur le gazon, qui tournèrent vers lui leurs jolies
têtes, garnies de bois élégants, quand le coupé passa près d’eux.
L’enfant n’avait jamais vu de ces animaux que dans
les ménageries.
«Est-ce qu’ils demeurent toujours ici? demanda-t-il
ravi.
— Sans doute, dit M. Havisham; ils appartiennent à
votre grand-père.»
Quelques instants après, on aperçut le château.
Il s’élevait vaste et imposant, avec ses murailles
grises et ses nombreuses fenêtres que les derniers rayons de soleil faisaient
flamboyer.
Il était hérissé de tours, de créneaux, de
tourelles.
Les murs en plusieurs places étaient couverts de
lierre.
Devant s’élevait un large espace ouvert, disposé en
terrasses plantées de fleurs.
«C’est le plus bel endroit que j’aie jamais vu, dit
encore Cédric, la figure brillante de joie. Il ressemble à un palais comme ceux
qu’il y a dans mon livre de contes de fées.»
Il vit la grande porte d’entrée ouverte et les
domestiques rangés sur deux lignes qui le regardaient.
Il admira beaucoup leur livrée, en se demandant ce
qu’ils faisaient là.
Il ne se doutait pas qu’ils honoraient ainsi le
petit garçon à qui toutes ces splendeurs devaient appartenir un jour: le beau
château qui ressemblait à un palais de contes de fées, le parc magnifique, les
grands vieux arbres, les clairières pleines de fougères et de fleurs sauvages,
où jouaient les lièvres et les lapins, et les daims aux grands yeux
languissants, couchés dans l’épais gazon.
Il y avait à peine deux semaines, il était encore à
côté de M. Hobbs, grimpé sur un baril de cassonade ou sur une caisse de savon,
avec ses jambes dansant le long de ce perchoir, ne se doutant guère des
grandeurs qui l’attendaient, et maintenant il marchait entre deux rangées de
serviteurs qui le considéraient comme leur maître et leur seigneur futur, et se
tenaient tout prêts à exécuter ses moindres volontés.
À leur tête était une vieille dame, en simple robe
de soie noire.
«Voici lord Fauntleroy, madame Mellon, lui dit M.
Havisham, qui tenait le petit lord par la main.
Lord Fauntleroy, voici Mme Mellon, la femme de charge
du château.»
Cédric lui tendit la main.
«C’est vous, m’a-t-on dit, qui avez envoyé le beau
chat à maman pour moi; je vous remercie beaucoup.
— J’aurais reconnu Sa Seigneurie partout où je
l’aurais vue, dit la femme de charge, pendant qu’un sourire de contentement se
répandait sur sa figure; c’est le capitaine trait pour trait.
Voici un grand jour, my lord,» ajouta-t-elle.
Cédric se demanda pourquoi c’était un grand jour.
Il lui sembla voir briller une larme dans les yeux
de la vieille dame; évidemment, pourtant, elle n’éprouvait pas de chagrin, car
elle lui sourit de nouveau:
«La chatte que j’ai envoyée à la Loge a deux beaux
petits chatons, dit-elle encore; on les portera dans l’appartement de Sa
Seigneurie.»
Chapitre II
Quelques minutes plus tard, le grand et imposant
valet de pied qui avait escorté Cédric jusqu’à l’entrée de la bibliothèque, en
ouvrit la porte et annonça d’un ton tout à fait majestueux: «Lord Fauntleroy,
my lord.»
Il n’était qu’un domestique; mais il sentait que
c’était un jour solennel que celui où le jeune héritier était mis pour la
première fois en présence de celui qui devait lui laisser un jour son nom et
son titre.
Cédric entra dans la chambre.
C’était un bel et grand appartement, meublé avec un
luxe sévère, et garni presque tout autour de planchettes couvertes de livres.
Les tentures et les draperies étaient si sombres,
les croisées garnies de vitraux étaient si profondément encaissées, le jour qui
baissait donnait si peu de clarté, que c’est à peine si on voyait le bout de la
pièce, et qu’au premier aspect elle produisait un effet lugubre.
Pendant quelques instants, Cédric crut qu’il n’y
avait personne dans la chambre; mais il finit par distinguer, près du feu qui
brûlait dans une vaste cheminée, un grand fauteuil, et dans ce fauteuil une
personne assise.
Sur le plancher, à côté d’elle, était étendu un
chien, appartenant à l’espèce des grands dogues.
Ses jambes et sa tête étaient presque aussi grosses
que celles d’un lion, et il rappelait encore le roi des déserts par la couleur
fauve de son pelage.
En entendant s’ouvrir la porte, il se leva
majestueusement et marcha à pas lents au-devant du nouveau venu, comme pour lui
faire les honneurs de l’appartement.
Alors la personne qui était dans le fauteuil,
craignant sans doute que l’enfant eût peur, appela: «Dougal, venez ici,
monsieur!»
Mais il n’y avait pas plus de crainte dans le cœur
du petit lord qu’il n’y avait de méchanceté.
Il posa sa main sur le collier du gros chien, de la
manière la plus simple et la plus naturelle du monde, et tous deux s’avancèrent
vers le personnage enfoncé dans le fauteuil, le chien humant l’air fortement,
tout en marchant.
Ce personnage alors leva les yeux vers eux.
Tout ce que Cédric vit, c’est que c’était un grand
vieillard avec des moustaches et des cheveux blancs, des sourcils en
broussailles, et un nez semblable à un bec d’aigle entre deux yeux perçants.
Ce que le comte vit, c’était une gracieuse et
enfantine figure, dans un costume de velours noir, avec un col de dentelle, et
des boucles d’or qui flottaient autour d’un beau et mâle petit visage, dont les
yeux rencontrèrent les siens avec un regard d’innocente sympathie.
Si le château ressemblait, selon ce qu’avait dit
Cédric, à un palais de conte de fées, on peut dire que le petit lord ressemblait
lui-même au prince Charmant qui figure dans ces contes.
Une flamme soudaine d’orgueil et de triomphe brilla
dans les yeux du comte quand il vit combien son petit-fils était grand, beau et
fort, et avec quelle tranquille hardiesse il se tenait devant lui, la main
posée sur le cou de l’énorme chien.
Il ne déplaisait pas au farouche gentleman que son
petit-fils parût ne montrer aucune crainte ni du dogue ni de lui-même.
Cédric le regardait du même air qu’il avait regardé
la gardienne de la grille et Mme Mellon, la femme de charge.
«Êtes-vous le comte? dit-il quand il fut arrivé
près du fauteuil. Je suis votre petit-fils, lord Fauntleroy, que M. Havisham a
amené ici.»
Et il tendit la main au comte.
«J’espère que vous allez bien, continua-t-il d’un
ton affectueux: je suis très content de vous voir.»
Le comte prit la main qu’on lui tendait.
Il était tellement étonné qu’il ne trouvait rien à
dire.
Il promenait les regards de ses yeux enfoncés des
pieds à la tête de la petite apparition.
«Vous êtes content de me voir? répéta-t-il.
— Oui, répondit lord Fauntleroy; très content.»
Il y avait une chaise près du comte, il s’y assit:
la chaise était haute, et les pieds du petit homme se balançaient au-dessus du
parquet; néanmoins Cédric semblait tout à fait à son aise.
Il regardait son auguste parent avec attention,
quoique modestement.
«J’ai toujours cherché à me figurer comment vous
étiez, dit-il. J’y pensais dans mon hamac, sur le vaisseau, et je me demandais
si vous ressembliez à mon père.
— Eh bien? demanda le comte.
— Eh bien! répliqua Cédric, j’étais très jeune
quand il mourut, aussi je ne me le rappelle pas très bien; mais je ne crois pas
que vous lui ressembliez.
— Vous êtes désappointé, alors? demanda le comte.
— Oh! non, répondit poliment le petit lord.
Naturellement cela fait plaisir de voir quelqu’un
qui ressemble à votre père; mais cela n’empêche pas que votre grand-papa vous
plaise, quand même il est tout différent de votre père.
On aime toujours ses parents, et on les trouve
toujours très bien.»
Le comte parut un peu déconcerté.
Il ne pouvait pas dire, lui, qu’il eût jamais aimé
ses parents.
Il avait au contraire été un tyran pour tous les
membres de sa famille, et il s’en était fait haïr cordialement.
«Quel est l’enfant qui n’aime pas son grand-père,
surtout un grand-père qui a été si bon que vous l’avez été pour moi? reprit
Cédric.
— Ah! dit le comte avec un singulier éclair dans
les yeux, j’ai été bon pour vous?
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