Little Lord Fauntleroy
Le Petit Lord
(English & French)
English partly translated anew from French.
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© 2013 Nik Marcel
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(A Bilingual Dual-Language Project)
Le Petit
Lord Vol.3
Chapitre I
La vérité était que Mme Errol avait fait beaucoup
de tristes découvertes dans le cours de ses visites au village, qui paraissait
si pittoresque, vu du haut de la colline, — Les choses ne sont pas si
pittoresques vues de près que vues à distance.
— Elle avait trouvé paresse, pauvreté et ignorance
où il y aurait dû avoir confort et industrie, et elle avait été forcée de
reconnaître que Dorincourt était le plus misérable village de toute cette
partie de la contrée.
M. Mordaunt lui avait fait part de toutes les
difficultés qu’il avait rencontrées et de ses découragements.
Elle avait trouvé elle-même beaucoup d’obstacles au
bien qu’elle voulait faire.
Les agents qui régissaient les propriétés avaient
toujours été choisis pour plaire au comte, et ne s’étaient jamais occupés de la
dégradation physique et morale où étaient descendus les malheureux tenanciers
de leur maître.
Les choses étaient allées ainsi de mal en pis, et
arrivées à un point où on ne pouvait plus y remédier que par des mesures tout à
fait radicales.
L’Impasse, principalement, avec ses maisons à demi
ruinées et ses habitants négligents, insouciants et maladifs, présentait le
spectacle le plus lamentable.
Quand Mme Errol s’y rendit pour la première fois,
elle ne put s’empêcher de frémir.
En voyant les enfants déguenillés, presque
abandonnés par des parents adonnés au vice et à la paresse, elle les comparait,
dans son esprit, à son propre petit garçon, élevé par elle avec tant de soin,
et qui vivait maintenant dans un magnifique château, gardé et servi comme un
jeune prince, ne pouvant former un désir qui ne fût satisfait et ne connaissant
rien que le luxe, la joie et le bonheur; alors une pensée naquit dans ce cœur
généreux.
Plusieurs fois elle s’était dit qu’il avait été
très heureux pour lui que Cédric plût à son grand-père: elle se disait
maintenant qu’il pouvait aussi en résulter du bien pour les autres.
«Le comte ne peut rien lui refuser, dit-elle à M.
Mordaunt, en lui développant son plan; il lui accorde tout ce qu’il lui
demande.
Pourquoi ce bon vouloir ne serait-il pas employé en
faveur de ces pauvres gens? C’est à moi de faire mon possible pour qu’il en
soit ainsi.»
Elle savait qu’elle pouvait se confier au cœur
tendre de Cédric.
Elle lui raconta tout ce qu’elle avait vu à
l’Impasse, sûre qu’il en parlerait à son grand-père, et dans l’espérance qu’à
sa prière le comte consentirait à améliorer le sort des malheureux qui étaient
dans sa dépendance.
Quelque étrange que cela pût paraître à tout le
monde, les choses tournèrent comme elle l’avait arrangé dans sa tête, et, une
fois de plus, l’influence de Cédric sur le comte se fit sentir et se manifesta
par un heureux résultat.
Le secret de cette influence était toujours cette
confiance de l’enfant dans son grand-père, qui lui faisait voir en lui un homme
juste, humain et généreux.
Le comte ne pouvait se décider à laisser soupçonner
à son petit-fils qu’il n’avait nulle inclination à la générosité et qu’il se
souciait fort peu de savoir s’il avait tort ou raison quand ses intérêts
étaient en jeu.
C’était une telle nouveauté pour lui d’être regardé
avec tendresse et admiration par des yeux d’enfant; d’être considéré comme un
des bienfaiteurs de l’humanité, le type par excellence de la noblesse, qu’il ne
trouvait pas la moindre satisfaction à se dire lui-même: «Je ne suis qu’un
vieux misérable, méchant et égoïste, qui n’ai jamais eu une idée généreuse dans
ma vie, qui me soucie des gens de l’Impasse ou de leurs semblables comme d’une
guigne.»
Il commençait à penser qu’à part la joie qu’il
trouverait à faire plaisir à son petit-fils, il ne lui serait pas désagréable,
de temps en temps, de faire une bonne action.
Aussi, tout en riant intérieurement de lui-même, il
fit venir Newick, et, après une longue entrevue avec lui, il donna des ordres
pour que les masures de l’Impasse fussent jetées par terre et que de nouvelles
maisons fussent bâties.
«C’est lord Fauntleroy qui insiste pour cela,
dit-il sèchement; il pense que ces réparations donneront de la valeur à la
propriété. Vous pouvez dire aux tenanciers que c’est son idée.»
Et il jeta un regard sur Sa petite Seigneurie, qui,
étendue sur le tapis du foyer, jouait avec Dougal, et qui certes était, tant
par son âge que par sa nature, incapable de calculer les avantages qui
pouvaient résulter pour lui des améliorations qu’il demandait.
Le grand chien était le constant compagnon de
l’enfant et le suivait partout, marchant solennellement derrière lui quand
Cédric marchait, ou trottant avec majesté à côté du cheval ou de la voiture
quand il se promenait dehors.
Naturellement, tant dans la campagne que dans la
petite ville voisine, on entendit parler des changements projetés.
D’abord beaucoup de personnes ne voulurent pas y
croire; mais quand on vit une armée d’ouvriers arriver à Dorincourt et démolir
les misérables et sordides baraques de l’Impasse, on commença à reconnaître que
c’était la vérité, et on devina que c’était à la généreuse intervention du
petit lord qu’on devait ce nouveau bienfait.
Si Cédric avait su comme on parlait de lui dans les
chaumières, quelles bénédictions on répandait sur son nom, et quelles
prophéties on faisait pour le jour où il serait homme, il eût été bien étonné;
mais il ne s’en doutait pas.
Il vivait de sa simple, heureuse et naïve vie
d’enfant, s’amusant dans le parc, poursuivant les lapins, s’étendant sur le
gazon à l’ombre des grands arbres ou sur le tapis de la bibliothèque avec un
livre; parlant au comte de ses lectures et les racontant de nouveau à sa mère;
écrivant de longues lettres à Dick ou à M. Hobbs, qui répondaient chacun à leur
mode; se promenant, tantôt en voiture, tantôt à cheval, en compagnie soit du
comte soit de Wilkins.
Quand il traversait la place du marché ou quand il
rencontrait un paysan, il s’apercevait bien que tous les chapeaux se
soulevaient et que les figures prenaient une expression joyeuse; mais il
pensait que c’était parce que son grand-père était avec lui.
«Ils vous aiment tant! dit-il une fois, en levant
vers le comte son doux visage, illuminé d’un brillant sourire.
Avez-vous remarqué comme ils sont heureux de vous
voir? J’espère qu’un jour ils m’aimeront aussi. Ce doit être bon que tout le
monde vous aime.»
Et il se sentait tout heureux d’être le petit-fils
d’un homme si aimé et si admiré.
Quand on commença à bâtir les maisonnettes, le
comte et son petit-fils dirigèrent souvent leur promenade du côté de l’Impasse,
pour voir où en étaient les travaux.
Cédric les suivait avec le plus vif intérêt.
Il descendait de cheval pour aller faire
connaissance avec les ouvriers et leur poser des questions au sujet de ce qu’ils
faisaient, comparant la manière dont ils s’y prenaient avec ce qu’il avait vu
faire en Amérique.
Il rendait ensuite compte à son grand-père de ses
remarques, tandis qu’il retournait au château.
«J’ai toujours aimé à savoir comment se font les
choses, disait-il au comte, car on ne sait jamais ce qu’on deviendra plus
tard.»
Quand il était parti, les ouvriers souriaient entre
eux de ses observations et de ses discours, mais leurs sourires n’avaient rien
de moqueur.
Ils l’aimaient; ils aimaient à le voir arriver, à
l’entendre parler, à le regarder se camper devant eux, les mains dans ses
poches, son chapeau rejeté en arrière, et suivre tous leurs mouvements avec un
sérieux plein d’intérêt.
«C’est un garçon comme on n’en voit guère,
disaient-ils; et hardi, et pas fier avec le pauvre monde. Il n’y a rien de la
vieille souche en lui.»
Rentrés chez eux, ils parlaient du petit lord à
leurs femmes, et les femmes en parlaient entre elles, de manière que Cédric
était le sujet de toutes les conversations et que chacun avait une anecdote à
raconter sur lui.
À la fin, tout le monde avait reconnu que le
«méchant comte», comme on l’appelait, avait enfin trouvé quelqu’un qui
l’intéressait, et que son cœur, vieux, dur et insensible, avait fini par être
touché et échauffé.
Mais personne ne pouvait savoir jusqu’à quel point
le changement s’était produit, et comment, de jour en jour, l’intérêt du
vieillard augmentait pour cet enfant, la seule créature qui se fût jamais
confiée à lui.
Il aspirait au temps où Cédric serait un jeune
homme fort et beau, avec toute la vie ouverte devant lui, ayant conservé son
cœur affectueux et le pouvoir de se faire des amis de tous ceux qui
l’approchaient.
Souvent, tandis qu’il contemplait le petit garçon,
allongé sur le tapis et lisant quelque gros livre, avec la lumière tombant sur
sa tête blonde, une faible lueur brillait dans ses yeux, et une légère rougeur
montait à ses joues.
«Cet enfant peut faire tout ce qu’il voudra,»
disait-il.
Il ne s’ouvrait jamais à personne de ses sentiments
pour Cédric.
Quand il en parlait, c’était toujours avec son
sourire sarcastique; mais il aimait à l’avoir avec lui: près de son fauteuil
dans la bibliothèque; en face de lui à table; à côté de lui quand il sortait à
cheval ou en voiture, ou bien quand il faisait sa promenade du soir sur la
terrasse.
«Vous rappelez-vous, lui dit un jour Cédric, en
levant les yeux de son livre, ce que je vous ai dit le premier soir que nous
nous sommes vus, que nous serions bons camarades? Je pense que personne ne
saurait être meilleurs camarades que nous le sommes.
— Nous sommes très bons camarades en effet, dit le
comte. Venez ici.»
Cédric, qui était allongé sur le tapis (c’était sa
pose favorite), se dressa sur ses pieds et se tint debout près de son
grand-père.
«Y a-t-il quelque chose dont vous ayez besoin?
interrogea le comte, quelque chose qui vous manque, que vous désiriez avoir?»
Les yeux bruns du petit garçon se fixèrent sur ceux
de son grand-père avec un regard plein d’anxiété et de désir.
«Seulement une chose, répondit-il.
— Laquelle?» demanda le vieux lord.
Fauntleroy resta quelques instants silencieux.
«Laquelle? répéta le comte.
— C’est Chérie,» dit-il.
Le comte fit une légère grimace. «Vous la voyez
presque chaque jour, dit-il; n’est-ce pas assez?
— J’étais habitué à la voir toujours, dit le petit
lord.
Elle avait coutume de m’embrasser tous les soirs,
quand j’allais me coucher, et le matin elle m’embrassait encore; nous pouvions
nous dire mutuellement ce que nous voulions, sans avoir besoin d’attendre.»
Les yeux du vieux comte et ceux de son jeune
héritier se rencontrèrent, et tous deux demeurèrent quelques instants
silencieux.
Alors le comte, fronçant ses gros sourcils
grisonnants: «N’oublierez-vous donc jamais votre mère?
— Jamais! répliqua l’enfant, jamais! et elle jamais
ne m’oubliera non plus. Je ne vous oublierais jamais vous-même, si je ne
demeurais plus avec vous, et au contraire j’y penserais d’autant plus que j’en
serais séparé.
— Sur ma parole! s’écria le comte, après l’avoir
regardé quelques instants encore, je crois que vous le feriez!»
La douleur que la jalousie faisait éprouver au
comte toutes les fois que l’enfant parlait de sa mère, semblait plus forte
chaque jour, et elle augmentait en effet à mesure que croissait l’affection du
vieillard pour l’enfant.
Mais il survint bientôt des évènements qui lui
firent oublier, pour quelque temps du moins, les mauvais sentiments qu’il avait
toujours entretenus contre sa belle-fille, et ils arrivèrent d’une étrange
manière.
Chapitre II
Un soir, peu de temps avant que les travaux de
l’Impasse fussent terminés, il y eut un grand dîner à Dorincourt.
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